Le quatrième cavalier
l’accusai-je.
— Et alors ? demanda-t-il. Je te croyais dane, et
tout le monde sait que les Danes combattent pour l’argent, même d’autres Danes.
Mais serais-tu effrayé, Saxon ?
— Ta mère ne t’a point enfanté mais pété par son trou
du cul ridé, répondis-je.
— Tu as pris l’argent de Peredur. Aussi dois-tu
combattre.
— Un mot de plus, moine, et je coupe tes couilles
inutiles.
Je levai les yeux vers le sommet. Tout avait changé depuis
que j’avais vu la bannière au cheval blanc : au lieu de combattre des
sauvages bretons à peine armés, nous allions nous en prendre à tout un équipage
de redoutables Danes.
— Nous sommes dans le pétrin, me dit Leofric.
— Jusqu’au cou.
— Que faisons-nous ? Nous nous retournons contre
eux et prenons l’argent ?
Je ne répondis pas, car les Danes avaient ouvert une partie
de la palissade et trois hommes l’avaient franchie pour courir vers nous. Ils
voulaient parlementer.
— Qu’est-ce donc que cela ? demanda Leofric.
Il regardait fixement le chef des Danes. C’était un homme de
haute taille, aussi robuste que Steapa Snotor, vêtu d’une cotte de mailles
polie au sable et étincelante. Son casque, aussi brillant qu’elle, portait une
visière en forme de mufle de sanglier, et au sommet flottait le panache d’une
queue de cheval. Il portait des bracelets par-dessus sa cotte, d’argent et d’or,
qui le proclamaient comme un grand guerrier, un Dane à l’épée, un seigneur de
guerre. Il marchait comme s’il possédait la colline, et en vérité elle était à
lui puisqu’il tenait le fort.
Asser se précipita à la rencontre des Danes avec Peredur et
deux de ses courtisans. Je les rejoignis et trouvai le moine en train de tenter
de convertir les Danes. Il leur disait que Dieu nous avait envoyés pour les
massacrer et qu’il valait mieux pour eux qu’ils se rendent et cèdent leurs âmes
païennes à Dieu.
— Nous vous baptiserons, et les cieux en seront fort
réjouis.
Le chef des Danes ôta son casque. Son visage était presque
aussi effrayant que son masque de sanglier : large, tanné par le soleil et
le vent, avec le regard vide et sans expression d’un tueur. Âgé d’une trentaine
d’années, il portait une barbe très courte et une cicatrice barrait sa joue
gauche. Il confia son casque à l’un de ses hommes et, sans un mot, souleva le
bas de sa cotte pour pisser sur le froc du moine, qui recula.
— Qui es-tu ? me demanda l’homme sans s’interrompre.
— Uhtred Ragnarson. Et toi ?
— Svein du Cheval-Blanc, répondit-il d’un ton de
défi, comme si je ne pouvais que le connaître.
Je ne répondis rien. Était-ce le Svein dont on disait qu’il
rassemblait des troupes en pays de Galles ? Que faisait-il ici, dans ce
cas ?
— Tu es Svein d’Irlande ?
— Svein de Danemark, dit-il. (Il laissa retomber sa
cotte et jeta un regard noir à Asser qui menaçait les Danes de la vengeance
divine.) Si tu souhaites vivre, lui dit-il, ferme ta répugnante bouche. Ragnarson,
reprit-il. Le comte Ragnar ? Ragnar Ravson ? Le Ragnar qui servait
Ivar ?
— Lui-même.
— Alors tu es son fils saxon ?
— Certes. Et toi, tu es le Svein qui a amené ses hommes
d’Irlande ?
— Je le suis, avoua-t-il.
— Et qui rassemble des forces en pays de Galles ?
— Je fais ce que je fais, dit-il sans plus de précision.
Il jaugea mes hommes puis me toisa, remarquant ma cotte, mon
casque et surtout mes bracelets. Puis il me fit signe de le suivre à l’écart.
Asser objecta que rien ne pouvait être dit hors de la
présence de tous, mais je l’ignorai et suivis Svein.
— Tu ne peux prendre ce fort, dit-il.
— C’est vrai.
— Alors que fais-tu ?
— Je retourne au village de Peredur, bien sûr.
— Et si je l’attaque ?
— Tu le prendras, mais tu perdras des hommes, une
douzaine peut-être.
— Cela fera autant de moins aux rames, dit-il, songeur.
Est-ce là le prix de ton concours ? demanda-t-il en désignant les deux
hommes qui portaient le coffre.
— Oui.
— Partageons, suggéra-t-il.
J’hésitai à peine.
— Partageons aussi ce que nous trouverons au village.
— Accordé. (Il regarda Asser qui chuchotait à l’oreille
de Peredur.) Il sait ce que nous faisons, aussi va-t-il falloir le tromper.
Je n’avais toujours pas compris qu’il me frappa violemment
en plein visage. Je portai la main à mon épée, et deux de ses hommes
accoururent, lames au
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