Le quatrième cavalier
reprendre son royaume avant
l’été. Il fut immensément réconforté aussi par le père Beocca qui débarqua un
jour en boitant et se prosterna à ses pieds.
— Vous vivez, seigneur ! clama-t-il en s’agrippant
à ses chevilles. Dieu soit loué !
Alfred le releva et l’étreignit. Les deux hommes pleurèrent.
Le lendemain, un dimanche, Beocca fit un prêche que je ne pus qu’entendre, car
il parla en plein air sous un Ciel dégagé… et l’île était trop petite pour que
l’on y échappe. Beocca raconta que David, roi d’Israël, avait dû fuir ses
ennemis et se réfugier dans la caverne d’Adullam, puis Dieu l’avait ramené en
Israël, où il avait vaincu ses ennemis.
— C’est ici notre Adullam ! conclut-il en
désignant les toits chaumés d’Æthelingæg. Et voici notre David ! (Il
montra le roi.) Et Dieu nous mènera à la victoire !
— C’est pitié, mon père, lui dis-je plus tard, que vous
n’ayez point été aussi avide de guerroyer il y a deux mois.
— Je me réjouis de te trouver dans les bonnes grâces du
roi.
— Il a découvert la valeur de gueux assassins comme moi.
Peut-être apprendra-t-il alors à ne plus avoir foi dans les conseils des
bâtards sournois comme vous qui prétendaient que les Danes pouvaient être
vaincus par prières.
Il prit un air pincé et regarda Iseult d’un œil réprobateur.
— As-tu des nouvelles de ton épouse ?
— Aucune.
Beocca avait fui devant l’armée des envahisseurs, jusqu’à
Dornwaraceaster, dans le comté de Thornsæta, où des moines l’avaient abrité. Les
Danes étaient arrivés, mais les moines, prévenus, s’étaient cachés dans un
ancien fort non loin de la ville. Les Danes avaient mis Dornwaraceaster à sac, prenant
argent, pièces et femmes. Puis ils étaient partis vers l’est et peu après, Huppa,
ealdorman de Thornsæta, était arrivé avec cinquante soldats. Il avait ordonné à
tout le monde de réparer l’ancienne muraille romaine.
— Les gens y sont à l’abri pour l’heure, me dit-il, mais
il n’y a point assez de vivres si les Danes reviennent et les assiègent.
Il avait ensuite appris qu’Alfred se trouvait dans les
marais. Il s’était mis en chemin seul ; rencontrant le dernier jour six soldats
venus rejoindre le roi, il avait terminé son voyage avec eux. Il n’avait nulle
nouvelle de Wulfhere, mais on lui avait dit qu’Odda le Jeune se trouvait
quelque part dans l’Uisc, dans un fort construit par les Anciens.
— Les Danes pillent partout, se lamenta-t-il. Mais, Dieu
soit loué, nous n’en avons vu aucun en chemin.
— Dornwaraceaster est grande ? demandai-je.
— Assez. Elle possède trois belles églises. Trois !
— Un marché ?
— En vérité, et prospère, avant la venue des Danes.
— Pourtant, ils n’y sont point restés ?
— Pas plus qu’à Gifle, et c’est une bonne ville.
Guthrum avait surpris Alfred, vaincu les armées à Cippanhamm,
et forcé le roi à se terrer. Mais pour tenir le Wessex, il avait besoin de
prendre toutes les villes fortifiées. Si Beocca avait pu traverser la région
pendant trois jours sans croiser de Danes, c’est que Guthrum n’avait pas assez
d’hommes. Alfred soupçonna, et la suite lui donna raison, que la majeure partie
du Wessex était aux mains des Danes, mais que de vastes étendues de terres
restaient libres. Les hommes de Guthrum y menaient des expéditions, mais ils
étaient en nombre insuffisant pour garnir des villes comme Wintanceaster, Gifle
ou Dornwaraceaster. Sachant que d’autres navires arriveraient avec des soldats
danes au début de l’été, il devait frapper avant. Il tint donc conseil le
lendemain de l’arrivée de Beocca.
Il y avait à présent assez d’hommes sur l’île pour restaurer
les usages royaux. Je ne trouvais plus Alfred assis le soir devant sa hutte, et
je devais demander audience. Le roi donna ordre qu’une grande cabane soit
transformée en église, et la famille qui y vivait en fut expulsée. Des soldats
fabriquèrent une grande croix pour accrocher au pignon et percèrent des
fenêtres supplémentaires. Le conseil se réunit dans l’ancienne demeure d’Haswold,
et Alfred attendit que nous y soyons tous pour faire son entrée. Nous dûmes
nous lever et attendre qu’il ait pris place sur l’un des deux fauteuils juchés
sur une estrade construite tout exprès. Ælswith s’assit à côté de lui, son
ventre enflé enveloppé dans la cape de renard argenté encore
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