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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Elle s’y accrocha.
     
    Rosamund s’était tant tournée et retournée de colère dans les draps qu’elle s’en était ligotée toute seule. Elle les arrachait avec la même violence qui couvait en elle lorsque la porte de sa chambre bâilla. Ayant pris soin de la boucler, elle se crut en proie à un mauvais rêve dans lequel elle se dépêtrait contre tous. Prise d’un réflexe, elle lança :
    — Qui va là ?
    Son cauchemar empira lorsqu’elle découvrit la reine derrière la lumière de sa lampe. Elle aurait dû se douter qu’elle avait la clef et tout aussitôt comprit qu’on lui avait tendu un piège. Instinctivement, elle recula contre l’oreiller et ramena sur elle les toiles qu’elle venait de repousser.
    — Que voulez-vous ? En finir, c’est cela ?
    Son œil pris de panique venait de me reconnaître dans la pénombre. Aliénor me tendit le falot puis, négligemment, s’assit sur le bord du lit. Rosamund tremblait. Effrayée de notre mutisme comme de notre froide détermination. Elle s’écarta d’un mouvement de reins, incapable pourtant de fuir tant l’humiliation subie l’avait contrainte à l’allégeance.
    — En finir, oui, répondit Aliénor d’une voix douce. En terminer avec cette querelle stupide dont nous sommes, vous comme moi, les victimes. Je suis venue faire la paix.
    Rosamund tiqua, ouvrit des yeux comme des soucoupes. Aliénor souriait, n’avait visiblement pas d’arme sinon de la douceur dans le regard. Et autre chose. Autre chose qu’elle ne définit pas.
    — Je ne comprends pas. Vous me détestez.
    — Non Rosamund. En vérité, non. Pas plus que je n’en veux à mon époux de vous aimer. Votre beauté ne me fait pas d’ombre, elle rehausse mon éclat. Oh ! je ne dis pas. Les premiers jours, les premiers mois m’ont arraché le cœur, mais la réalité a pris le dessus. Vous serez encore que je ne serai plus. Alors quoi ? Allons-nous nous entre-déchirer et briser le cœur d’Henri, diviser le royaume, le perdre peut-être ? Vous ne le voulez pas davantage que moi. Au contraire. Vous voulez cette couronne à ma tête. Mais que serait-elle, si, tiraillé entre vous et moi, Henri en perdait le contrôle ? Si ses États se morcelaient ? Elle ne vous plaît, il ne vous plaît que par sa puissance, ne le niez pas.
    Rosamund avait repris de l’assurance et des couleurs.
    — Je ne le nie pas, non.
    — Bien. Votre sincérité vous honore et conforte mon sentiment. Henri ne me répudiera pas, Rosamund. L’Aquitaine lui est trop chère. Savez-vous qu’il m’a sauvé la vie à la naissance de Jean ?
    Le cœur de Rosamund manqua un battement, la laissant livide. Aliénor soupira.
    — Il vous ment comme il m’a menti et pour les mêmes raisons. Il vous aime autant qu’il a besoin de moi. Si l’une de nous venait à disparaître de la main de l’autre, il ne s’en relèverait pas. Épargnons-lui cela, voulez-vous ? Et préparons demain. Ensemble.
    — Qu’est-ce à dire ?
    — Une alliance secrète qui vous garantit le trône à mon trépas. S’il n’est pas le fait de quelque assassinat, s’entend…
    Aliénor avança sa main, enroula ses doigts à ceux de Rosamund, étourdie.
    — L’âge éteint toute chose, mais pas les sentiments lorsqu’ils sont aussi forts que les miens pour Henri. Je le veux voir heureux. Si le royaume Plantagenêt est puissant, Henri pourra se permettre d’épouser la femme qu’il aime et non une autre que l’intérêt du royaume lui dictera. Ce sera vous, si vous prenez patience. Ce sera vous, car ma dernière volonté, par testament, l’y contraindra.
    — Vous feriez cela ?
    — Je ferai cela, Rosamund.
    Elle dodelina de la tête, abasourdie.
    — Mais qu’y gagnerez-vous ?
    — Que gagnerais-je d’une autre ? Je vous crois assez fine pour jouir du pouvoir sans faire ombrage à mes enfants, assez cupide pour soutenir Henri dans ses choix de conquête et les doter d’autant, et assez honnête pour adoucir mes vieux jours d’un respect de bon aloi. Notre amitié fera taire les ragots. Les passations de pouvoir servent à cela. Je peux à loisir continuer de vous humilier ou servir notre cause en laissant entendre que je vous ai choisie bien avant mon époux pour me remplacer à un âge où l’ardeur des sens s’émousse. A vous de décider, Rosamund.
    — Amie ou ennemie, c’est bien cela…
    Aliénor avança l’autre main, enveloppa la joue, caressa l’ourlet des lèvres avec son pouce.

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