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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Londres pour quelques jours et de nous y rendre sans plus tarder.
    En milieu de cet après-midi de la Saint-Jean, profitant d’une chaleur douce et d’un ciel clément, nous dépassâmes le petit village de Trévena et nous nous trouvâmes enfin en vue de la presqu’île sur laquelle l’imposant castel se dressait. En franchissant le pont naturel qui reliait la côte à ce promontoire rocheux battu par les vents, la vue me coupa le souffle. Illuminée par la forte lumière estivale, la mer opposait sa teinte vert turquoise au gris patiné de l’ardoise. Un vol de mouettes rasait l’écume. Certaines se posaient sur une mince plage, en contrebas, d’autres, soulevées par le vent, planaient jusqu’à nous avant de repiquer.
    — Au pied de la falaise se trouve la grotte de Merlin. Un chemin escarpé, creusé dans la roche, y mène encore.
    Geoffroy de Monmouth tendit son index pour m’en indiquer le tracé entre deux failles tandis que nos montures avançaient, côte à côte et d’un même pas, sur l’étroite bande rocheuse.
    Je ne répondis pas, en quête de ce souffle que je devinais présent autour de moi et que, de toute évidence, mon compagnon de route avait dû percevoir à sa première visite. Comment, sinon, aurait-il pu rédiger pareille épopée ? Semblant vouloir accréditer mes pensées, il inspira une bouffée chargée d’embruns avant de poursuivre :
    — Savez-vous que seul le hasard me guida en ces lieux ? L’héritage d’une vieille tante qui tenait relais tout près. Je ne l’avais seulement jamais rencontrée. A croire qu’Arthur lui-même m’y attendait.
    Devant nous, la litière d’Aliénor s’était arrêtée, sans doute pour la laisser jouir de la vue. Nous fîmes halte derrière, donnant à notre suite le signal de ne plus bouger. C’est à ce moment précis que je perçus le silence. Le vrai silence. Celui que maintes fois j’avais éprouvé à Brocéliande, lorsque le temps se suspendait. Ecouter et non plus entendre. Voir et point seulement regarder, m’avait fait me souvenir Thomas Becket. Je laissai l’émotion m’envahir, un souffle bienfaisant me balayer. Et, soudain, le castel m’apparut sur son éperon barré tel qu’il fut dans sa splendeur passée. Les deux monastères l’encadraient, faisaient corps avec lui, comme si en cet endroit Dieu s’était mêlé aux hommes pour suivre le mou-veinent des navires, et, derrière cette ligne sombre qui, à l’horizon, figurait la fin du monde, chercher à entrevoir le paradis.
    Une voix douce, aussi limpide qu’une eau de source, coula en moi.
    « La magie est toujours tienne, Loanna. Souviens-toi. Rien ne se crée, tout se transforme. Tu voulais n’être qu’une femme aux côtés de Jaufré, tu l’es devenue. Mais en reprenant ta place auprès d’Henri et Aliénor, c’est cette part rejetée de toi que tu as rappelée. J’ai toujours été et resterai toujours à ton côté… »
    Merlin.
    Mon cœur se gonfla d’une joie sereine, tandis que la vision des échafaudages accrochés aux vieilles pierres me ramenait à la réalité.
    — Dame Loanna ?
    Je tournai la tête vers Geoffroy de Monmouth.
    — J’ai cru un instant vous avoir perdue dans cette envolée de chaleines et de cornemuses, s’amusa-t-il.
    — Plaît-il ?
    Il tendit un doigt vers l’avant, en riant de mon air soudain hébété. La musique emplit alors mon oreille, remplaçant celle des oiseaux de mer que la puissante sonorité des instruments avait effrayés. Ses porteurs, à pied, précédaient Renaud de Cornwall sur son destrier. En tant que nouveau seigneur du lieu, il s’en venait à notre rencontre. Sans plus attendre, dans le sillage d’Aliénor, je donnai à Granoë, ma vieille jument, signal d’avancer.

12
     
     
    C ouvreurs, maçons, tailleurs de pierre et menuisiers avaient rangé leurs outils la veille de notre arrivée, laissant les gens du seigneur de Comwall préparer les festivités. L’imposant donjon à la toiture neuve nous offrait un abri sûr contre les possibles tempêtes du solstice d’été, de même qu’un des monastères, entièrement rénové, qui devait accueillir nos nuitées. Renaud de Comwall, fils naturel du roi Henri I er Beauclerc et, par conséquent, demi-frère de l’emperesse, avait toujours été un fervent partisan de la cause angevine contre Etienne de Blois. Pacifique, enjoué et défenseur attitré des anciennes coutumes, il s’était aussitôt rangé à l’espoir d’Henri

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