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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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de ranimer ce lieu mythique. Lors, le courrier d’Aliénor y acceptant festoy l’avait ravi au point qu’il avait relu L’Historia regum Britanniae de Monmouth dans l’idée d’en reproduire quelques effets.
    Tandis que nos malles étaient descendues et transportées, notre hôte, acceptant avec fierté le bras de la reine, nous fit découvrir la grande salle voûtée aux épais piliers de granit. Des tables avaient été dressées en forme de fer à cheval, joliment recouvertes de nappes brodées d’orfroi et de vaisselle d’argent. Des pages habillés d’hermine ou de vair, comme aux belles heures de la cour d’Arthur à Caerleon, attendaient, immobiles et droits, l’heure de nous servir.
    — Patience, Votre Majesté, patience, l’exhorta notre hôte, en voyant Aliénor s’enthousiasmer des parfums de rôtis qui chatouillaient nos narines.
    Traversant l’espace, il nous mena à une seconde double porte cintrée qui faisait pendant à celle par laquelle nous étions entrés. Face à elle, sur le plateau verdi d’une herbe rase, la chapelle tournait son transept au sud-ouest. Nous y pénétrâmes par deux marches creusées dans le roc, poli pour servir de plancher. Éclairé par l’oblique de deux vitraux qui représentaient, l’un, le couronnement d’Arthur, l’autre, Joseph d’Arimathie recueillant le sang du Christ dans le calice, le prêtre nous invita à nous asseoir. Je respirai avec plaisir l’odeur chaleureuse du bois fraîchement travaillé, certaine qu’Aliénor songeait comme moi que c’était un peu de sa terre d’Aquitaine que le lieu hébergeait. Lorsque la messe fut achevée, Geoffroy de Monmouth, penché vers mon oreille, me désigna l’autel.
    — Regardez attentivement ses pieds, nous les avons crus posés sur le granit, en réalité ils en sont le prolongement. Je pense que cette plaque date de la construction du monastère et qu’elle est elle-même antérieure à la naissance d’Arthur. Depuis combien de temps ce site est-il habité, je n’ose seulement l’imaginer…
    Je me gardai de répondre qu’il l’avait toujours été.
    Au sortir de la chapelle, la faim, aiguisée par le voyage, nous tenait tous. Mais pas autant encore que la curiosité. Nous longeâmes le jardin, rendu aux orties et à la lande. Au centre, des valets achevaient de croiser des bûchettes sur un imposant tas de bois que cette nuit du solstice d’été verrait s’embraser. S’en désintéressant, Renaud de Comwall nous mena à l’extrémité ouest de la presqu’île que des vaisseaux longeaient. Entre le jardin et la mer, un tunnel s’ouvrait dans la roche, profond de une toise, devant lequel nous reformâmes cercle.
    Le doute ébranla soudain la silhouette élégante bien que massive de notre hôte, tandis que sa main carrée rejetait une mèche blonde et bouclée.
    — Je ne comprends pas l’utilité de cette creusée. Elle débouche sur l’à-pic. Peut-être existait-il autrefois une petite terrasse naturelle depuis laquelle on pouvait promener un œil rêveur.
    — Ou deux amants se retrouver, se pâma Sibylle d’Anjou qui soupirait pour un baron normand.
    L’on gloussa dans les rangs. Convaincu du plaisant de sa surprise, sir Renaud nous invita à pénétrer dans l’arche deux par deux. Aliénor et lui s’y enfoncèrent les premiers. De fait, ce fut un jeu ravissant d’y demeurer quelques minutes avant de laisser son tour. Lorsque nous nous y arrêtâmes, Jaufré et moi, le soleil traçait une oblique brûlante vers l’onde. Je clignai des yeux. Il bisa mon front. Se retint de descendre sur mes lèvres puisque à l’autre bout l’on nous observait.
    — Tu rayonnes de lumière autant que cet astre, mon aimée. Preuve que la magie de l’endroit a révélé celle qui sommeillait en toi, murmura-t-il à mon oreille.
    Je lui souris avec tendresse.
    — Tu me connais bien, Jaufré de Blaye.
    — Mieux encore que tu ne l’imagines, ma petite fée.
    — Alors, allez-vous laisser la place ? s’impatienta une voix rieuse derrière nous.
    Rosamund Clifford. Une fort belle jouvencelle d’à peine quatorze ans que son père, un des seigneurs anglo-normands, proche d’Henri, avait nouvellement placée comme dame de compagnie auprès de la reine.
    — Voilà, voilà…
    Nous quittâmes la voûte, emplis d’une même chaleur.
     
    Le banquet fut somptueux. Digne de l’un de ceux qui avaient régalé autrefois Arthur et ses chevaliers. Pâtés et tourtes se succédèrent

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