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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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innocemment :
    — Je croyais que vous ne compreniez rien à ses discours ?
    — À ses discours peut-être, mais les noms… mmm… (Il leva son double menton, le tendit par deux fois de l’avant, arrondit ses lèvres, leva un sourcil entendu)… les noms… y sont les mêmes.
    Mon cœur s’emballa dans ma poitrine. À quelques pas de moi, Bertrande de Blanquefort tapa du pied, grincheuse d’avoir perdu une nouvelle fois. J’attendis qu’elle reprenne les dés et se concentre pour les jeter.
    — Quels noms ?
    — Loanna, Richard et Eloïn. Farpaitement… Non partaifement…
    Il se racla la gorge, en quête de cette prononciation qui lui échappait. Tout à sa réflexion il ne vit pas à quel point j’étais décontenancée. Pourquoi Merlin lui parlait-il et non plus à moi comme autrefois ? Certes, j’avais perdu cette faculté de dialogue avec lui depuis ma dernière visite à Brocéliande, au jour de mes épousailles avec Jaufré. Essayait-il, à travers le vieil homme, de renouer ce lien brisé ? de me transmettre de nouvelles directives pour sauver l’Angleterre du chaos que j’avais entrevu ?
    — Parfaitement ! lâcha enfin Geoffroy de Monmouth, trépignant de satisfaction.
    — Et c’est tout ?
    — N’est-ce point assez ? se vexa-t-il.
    Je lui souris avec chaleur.
    — Si, si. Je suis bien aise que le grand Merlin m’ait remarquée.
    — Et votre petiote aussi.
    — Et ma petiote aussi. Quant à ce Richard… Vous conviendrez, mon cher ami, qu’il est inconnu en ma maisonnée…
    Il marqua un long moment de silence pendant lequel j’avançai ma reine sur l’échiquier. Fut-ce ce qui l’amena à cette réflexion, je ne sais, toujours est-il que, répondant à mon sentiment, il prononça d’une voix profonde :
    — L’est pas encore né dame de Blaye, mais sera un grand roi. Vi, sera un grand roi si votre Eloïn est à ses côtés.
    Le lendemain, il ne se souvenait pas d’un seul des mots qu’il avait prononcés, accusant une migraine profonde qui le fit pendant quelques semaines vénérer plus encore qu’avant cette cervoise à laquelle il avait fait des infidélités.
     
    Quant à moi, j’en demeurai troublée. Peut-être était-il temps de creuser la question avec Thomas Becket. Il avait toujours été de bon conseil lorsque je m’étais sentie égarée et, depuis mon retour auprès d’Henri, nous avions quelquefois évoqué cette peur qui me tenait de voir les époux royaux s’entredéchirer.

11
     
     
    D epuis qu’Henri l’avait pris pour chancelier, Becket avait fort à faire et semblait nourrir un goût plus prononcé qu’avant pour les flatteries, le pouvoir et ces chasses effrénées dans lesquelles Henri l’entraînait. Regrettant le prélat que j’avais connu à Paris, vêtu sobrement et tourné vers les gueux, je le lui avais fait remarquer quelques jours plus tôt, amenant sur son front une ride soucieuse et cette réflexion qui m’avait émue :
    — Je le découvre dans vos yeux, ma petite sorcière. Gardez-les toujours ouverts pour m’épargner de sombrer dans la médiocrité, à l’exemple de ces prélats que j’ai tant décriés dans ma jeunesse. Si un jour, pourtant, vous me voyez perdu, alors priez pour moi, car, ce jour venu, je ne mériterai plus votre affection ou votre amitié, seulement votre pitié.
    — Je vous crois bien assez vigilant, mon père, pour vous en garder.
    Il avait hoché la tête avant de me quitter, appelé aux affaires du royaume qui nécessitaient son autorité.
    Rassérénée par cette complicité retrouvée, je le trouvai dans une des absides de l’abbaye de Westminster, illuminée par les scènes baignées de soleil des longs vitraux qui la cernaient. À cette heure, il s’y rendait souvent seul pour prier. Retenant mes pas sur les dalles de la travée afin de ne pas troubler le silence environnant, je me glissai jusqu’à lui et m’agenouillai à ses côtés, face à l’autel de marbre au-dessus duquel un christ veillait. Courbé sur le dossier d’un des prie-Dieu de la rangée précédente, Thomas Becket avait posé son front sur ses mains jointes. J’attendis qu’il le redresse.
    — Une urgence, mon amie ?
    — En quelque sorte…
    Il s’accorda encore le temps d’un signe de croix puis tourna son visage aux yeux d’un bleu limpide vers moi.
    — Je vous écoute.
    A voix toujours basse, je lui rapportai mot pour mot la conversation que j’avais eue avec Geoffroy de Monmouth. Comme

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