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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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noirs, le donjon, derrière les deux hommes, offrait soudain une impression de masse qui écrasait leurs silhouettes gantées. D’égale stature et d’âge équivalent, ils promettaient combat vaillant. De fait, ils se jaugèrent lame contre lame quelques minutes, bâtirent un cercle de leurs pas de côté, refusant l’un et l’autre de baisser le premier la garde. Sir Thomas finit par s’y rendre en sautant brusquement par le travers pour se libérer. A peine surpris, Henri se réappropria l’espace, fit jouer Caliburnus à son poignet pour en assouplir la tenue puis fendit de l’avant. Sir Thomas ne se défaussa pas. Habile combattant, il avait toujours vaincu ses adversaires dans des guerres de clan où, très tôt, son père l’avait entraîné. Il accusa le choc de l’acier sans sourciller et contra chaque coup porté, le rendant aussitôt avec la même puissance. Jambes écartées, genoux légèrement fléchis pour encaisser le mordant de Caliburnus contre sa fidèle Alderne, il savait se déplier à l’égal d’Henri, le laissant estoquer dans le vide et sitôt piquer de revers. À plusieurs reprises, de part et d’autre, les mailles des hauberts accusèrent l’impact. Qui à la poitrine, qui à la taille, qui à l’avant-bras, et enfin à l’omoplate, dans un mouvement latéral qui ouvrit feinte à Henri.
    Depuis la frange côtière où nous étions restés, étirés dans un même espoir de n’en rien perdre, nous les regardions jouer ce ballet guerrier avec le même souffle suspendu.
    Lorsque le premier éclair déchira le ciel, je n’en perçus que la fulgurance, pas le danger. Mais, en quelques minutes qui virent se multiplier les zébrures et les rapprocher des deux hommes, je compris que l’acier les attirait, et plus encore celui de Caledfwlch, si particulier. Je saisis Aliénor par le poignet, lui montrai les arcs d’argent qui, se concentrant, tombaient du ciel ou jaillissaient du roc tout autour d’eux en des bras rampants et furtifs. Leur beauté était telle qu’elle rendait brusquement chacun imperméable à la crainte, au vent qui, à présent, balayait de manière trop vive nos garnaches, décollait le chapel des hommes, décoiffait chapelet ou tressoir des dames dans un vacarme tel qu’il me fallut hurler pour être entendue.
    Aliénor blêmit. S’arrachant à sa contemplation, elle chercha des yeux sir Renaud qui s’était éclipsé. Elle le trouva plus loin, auprès de l’écuyer de sir Thomas. Elle n’avait pas fait un pas dans leur direction que le jouvenceau prenait à la course le chemin de Tintagel pour séparer les deux hommes. Je m’en rassurai. Le seigneur de Comwall et ses gens connaissaient leur terre. Avant qu’il soit long, les épées seraient remises au fourreau et les combattants abrités. Redevenue confiante, je reportai, comme Aliénor resserrée près de moi, mon attention sur ces derniers.
    Ils paraissaient ne pas prendre conscience des éléments qui se déchaînaient à présent sur la lande, des gouttes de pluie épaisses qui, disparates encore, s’écrasaient sur leur visage. Ils ferraillaient puissamment, donnant l’illusion d’être reliés par leurs épées. Sans ralentir son pas, l’écuyer agitait les bras pour attirer leurs regards. Sans doute criait-il aussi, car, finalement, ils baissèrent simultanément leur garde.
    Sir Thomas recula, pour entendre ce qu’on lui voulait. Moi je ne vis qu’Henri, tournant soudain sur lui-même, surpris par les langues scintillantes qui cherchaient sa lame de tous côtés. Il la déplaça de gauche, puis de droite, en mouvements amples que des filaments bleutés suivaient. Mon cœur se figea. Il riait. Tel un enfant chatouillé, cet inconscient riait !
    Le valet fit un pas vers lui, lui enjoignant sans doute de poser l’épée comme venait de le faire sir Thomas. Henri n’écouta pas. Défiant l’orage, il pointa Caledfwlch vers la voûte nuageuse. Un trait la déchira. J’entendis hurler à mon oreille. Était-ce moi ? Aliénor ? La fraction de seconde suivante, Henri disparaissait dans un éclair d’une telle luminosité que nous en fûmes aveuglés.
    Ce qu’il advint ensuite nous marqua tous, profondément.
    Fut-ce Henri qui lâcha enfin l’épée ? Lui fut-elle arrachée par quelque force invisible ? Je n’aurais su le dire. Toujours est-il que nous la retrouvâmes plantée à moitié lame dans la roche, en plein mitan du pont naturel qui se lézarda à vive allure en faisant

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