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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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couleur miel, teintée d’or par les derniers rayons du soleil. Les éclaireurs de Pembroke nous avaient précédés pour prévenir le prêtre que Pembroke, commendataire du lieu, entendait y séjourner. Le curé, la mine sévère, sa bure tachée par la graisse des cierges, naquetait pour accueillir son maître. Bien entendu la cure était trop petite pour nous abriter tous. Pembroke envoya quelques membres de sa suite au Dernier Repos du pèlerin. D’autres s’installèrent dans le cimetière et quelques-uns dans les petits pavillons du jardin du presbytère.
    On me logea dans un galetas exigu et malodorant sous l’avant-toit. Une fois ma faim apaisée par la maigre pitance que le maître des lieux avait disposée dans sa resserre, je décidai de m’aller promener dans le jardin pour en examiner les différentes herbes et plantes aromatiques. En réalité, je voulais m’isoler, bien loin de mes compagnons, afin de pouvoir concentrer mes forces à déchiffrer les mystères. De plus, la soirée était douce et le fond du courtil était planté d’arbres – pommiers, poiriers – et de mûriers, dont on approchait en suivant de superbes plates-bandes de belles fleurs variées : primevères, ancolies, iris rouges et autres. J’étais plongée dans mes observations lorsque le chaos recommença, se faufilant comme un voleur dans la nuit.
    L’Écriture dit vrai : « Nous ne connaissons ni le jour ni l’heure. » Un cavalier, se prétendant envoyé par le chambellan du manoir de Pembroke, à Bampton, entra dans la cour à bride abattue, criant qu’il avait des nouvelles fort urgentes pour le comte. Pembroke se précipita en bas. Le messager, hors d’haleine après sa chevauchée, s’agrippa au pommeau de sa selle et annonça que Lady Pembroke, tombée gravement malade, appelait son époux auprès d’elle. Ce dernier, que Dieu lui pardonne, était fort épris de sa femme. Sans perdre de temps en questions, il ordonna aux écuyers de sa maisnie de seller leurs montures. Il dépêcha l’un d’entre eux dans le village pour rassembler ceux qui avaient été logés à la taverne. Gaveston surgit et proposa d’accompagner le comte. Pembroke refusa et déclara qu’il chargeait Sir William Ferrers, le plus âgé des chevaliers de sa maison, de notre sécurité.
    Ferrers – que Dieu le bénisse ! – n’avait pas assez de bon sens pour comprendre ce qui se passait. Jovial, confiant, il nous assura que nous n’avions rien à craindre et que nous pourrions bientôt vaquer à nos affaires. Demontaigu, pourtant, n’était pas de cet avis. Il était tout à fait persuadé que quelque machination avait été ourdie. Il insista pour qu’on ferme les grilles de la cure, qu’on verrouille et barre les portes. En vain. Pembroke partit en entraînant la plus grande partie de ses soldats ; il n’en restait qu’une poignée dans le presbytère et quelques-uns qui campaient dans les champs environnants. De fait, juste avant l’aube, nous fûmes tirés du lit par le cliquetis des armes. Je m’habillai en hâte, descendis et regardai par une croisée. La cour, devant le bâtiment, fourmillait de gens d’armes portant la livrée de Warwick. Bertrand, dévalant l’escalier, surgit et nous prévint qu’il y en avait d’autres dans les rues dehors. Gaveston, dans ses vêtements de nuit, une chape sur les épaules, nous rejoignit dans la petite salle commune du presbytère en réclamant de quoi se sustenter. Le curé y veilla alors même que le vacarme croissait à l’extérieur.
    — Qu’allons-nous faire ? se lamenta le favori.
    Ferrers commença à s’équiper, mais ne tarda pas à s’apercevoir que toute défense serait vaine. Le cliquètement des cottes de mailles, le hennissement des chevaux, les cris des arrivants montant de la cour furent suivis par un coup violent à l’huis. Gaveston, Demontaigu, Dunheved, Ferrers et moi nous regroupâmes autour de la table au moment où, aussi lugubre que le glas, la voix de Warwick retentit afin que tous l’entendent.
    — Monseigneur Gaveston, dit-il, et dans sa bouche, ce titre n’était que sarcasme, je pense que vous savez qui je suis. Je suis votre Chien noir d’Arden. Debout, traître, vous êtes pris !
    Il y eut un nouveau coup. Les hommes de Warwick s’emparèrent d’un banc du jardin dont ils usèrent comme d’un bélier contre la porte. Le prêtre poussa de pitoyables gémissements à l’intention de Ferrers en le suppliant d’ouvrir. Le

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