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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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mais j’écrirai une missive.
    — À qui ?
    — À vous, mon cœur.
    Je me retournai et souris.
    — De grâce, allez à York. Quand vous y serez en sécurité, ouvrez la lettre et faites ce que je vous demande.
    Vers le milieu du jour, Dunheved et Demontaigu étaient partis. Après leur départ, le chambellan de Warwick me rendit visite pour m’inviter à m’installer dans ce qu’il appela un « logement plus confortable », c’est-à-dire la chambre d’hôtes du manoir au-dessus de la salle commune. Puis on me laissa libre de mes gestes. On me montait de quoi boire et manger et j’étais conviée dans le réfectoire quand la cloche sonnait à l’aube, à midi et juste avant le crépuscule.
    Warwick m’ignorait. Maintenant que Gaveston était son prisonnier, il était tout à fait décidé à rallier le plus possible de barons à ses vues. Ils s’empressèrent d’accepter. Le rousseau et pâle Lancastre, cousin du roi, les comtes d’Arundel, de Hereford, de Gloucester survinrent tels des faucons à un festin. Accompagnés de leur suite – une foule d’écuyers en armes – ils passèrent sous le corps de garde pour entrer à grand bruit dans la baille. Warwick en personne les y accueillit. Je me joignis aux serviteurs, soignant lorsque je le pouvais coupures et égratignures, ou donnant des conseils. Une fois que les gens vous savent instruits en médecine, ils tiennent à vous abreuver de détails sur leur état de santé, sur leurs maux et sur les remèdes qu’on peut y apporter. C’est eux qui m’apprirent que Warwick avait l’intention de traîner Gaveston en justice dans les formes, de lui faire ce qu’on pourrait nommer un juste procès, puis de le condamner à mort pour trahison. Pour renforcer cette caricature de légalité, deux juges – Sir William Inge et Sir Henry Spigurnel –, ayant commission d’Oyer et Terminer 11 dans les comtés voisins, devaient faire partie de son traquenard et il les avait persuadés de déplacer leur tribunal au château de Warwick.
    Nous étions arrivés le 12 juin ; le 17, Warwick entreprit de mettre fin à l’affaire. Lui et les autres grands barons, ainsi que les deux juges, tinrent leur cour dans la grand-salle. On apprêta Gaveston pour le procès. On le rasa, on le tondit tel un félon. On lui permit de prendre un bain et de revêtir une simple tunique bleu foncé. Puis on le conduisit, chargé de chaînes, dans la pièce où siégeaient ses juges, autour d’une table haute placée sur une estrade. Ils en vinrent vite à la sentence. Personne, sauf quelques clercs et quelques gardes, n’eut le droit d’assister à la séance ni de témoigner. Gaveston, bâillonné pendant l’audience, ne put ni prendre la parole ni plaider sa cause.
    Thomas, comte de Lancastre, était à la fois juge et procureur. Il accusa Gaveston d’une série de crimes odieux : rupture de l’exil, pillage du trésor royal, affaiblissement de la Couronne, mauvais conseils au souverain, refus d’obéissance aux ordonnances des barons. La liste des charges couvrait chaque manquement de Gaveston tant à la loi qu’aux ordonnances des barons. Le verdict était prononcé d’avance : il fut condamné à mort de façon expéditive. Le comte de Lancastre aux traits émaciés résuma les débats. Il fit une concession à Gaveston : compte tenu de son statut de comte et, surtout, parce qu’il était le beau-frère de Clare, comte de Gloucester, on ne lui appliquerait pas le châtiment pour félonie dans toute sa rigueur. Au lieu d’être pendu, éviscéré et écartelé, il serait juste décapité. La sentence prenait effet sur-le-champ. Ni moi ni quiconque n’y pouvions rien. Pembroke éleva les plus énergiques protestations, en appelant à l’université d’Oxford pour qu’elle intervienne ou s’entremette. Les rumeurs qui couraient au château affirmaient qu’à York Édouard, ayant presque perdu l’esprit, envoyait de larmoyantes plaidoiries aux barons, à Philippe de France, au pape Clément V en Avignon, tout cela sans résultat. Les comtes étaient inflexibles : Gaveston devait mourir.
    Je voulus rendre visite au captif : on me l’interdit. Je pensais ne jamais le revoir. Mais, aux premières heures de la matinée du 19 juin, je fus réveillée par de violents coups à la porte. Warwick et ses principaux écuyers, le visage éclairé par des torches, attendaient dehors dans la galerie sombre. Warwick était calme, impassible, courtois, comme à

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