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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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clocher désert contrastaient tellement avec les activités routinières d’un actif prieuré et avec ces quatre jeunes hommes qui me regardaient, perplexes.
    — Qu’avez-vous, madame ? s’enquit Rosselin.
    Blond, le teint rougeaud, son corps trapu emmitouflé dans une chape, il fit un pas en avant. Ses compagnons avaient rejeté leurs capes sur leurs épaules. Ils étaient tous équipés de plastrons de cuir et de ceinturons, armés comme pour combattre.
    Rosselin monta les marches.
    — Madame, nous sommes venus voir l’endroit où Lanercost a trouvé la mort. Qu’y a-t-il ? Nous ne sommes point entrés dans l’église.
    Il désigna Middleton dont la tête était complètement rasée.
    — Nicholas a cru ouïr la cloche.
    J’observai ce dernier, le plus étrange des Aquilae. Son justaucorps était bordé de médailles et d’amulettes et une paire de chapelets s’enroulait autour de son ceinturon.
    — Rien, rien.
    Je m’adossai au pilier de pierre et considérai le babouin – face de singe, oreilles pointues, yeux protubérants, langue dardée – qui me toisait.
    — Va-t’en, murmurai-je.
    Je fis demi-tour pour rentrer dans l’église. Les Aquilae me suivirent dans un tintement d’éperons, un crissement de cuir et un froissement d’acier lorsque deux d’entre eux dégainèrent épées et poignards. Je m’assis au pied d’un massif pilier rond. J’entendis au fond de l’édifice une porte s’ouvrir et un bruit de pieds chaussés de sandales : le sacristain et son aide mouchaient les cierges du chœur. Je demandai, d’un signe, aux jeunes gens de me rejoindre. Malgré leur circonspection et leur air martial, ils s’accroupirent : Gaveston leur avait sans doute parlé de la mission sous sceau secret que m’avait confiée le souverain.
    Je m’installai de mon mieux. C’était fort bizarre d’aborder ces sujets tels des fermiers se retrouvant dans la nef d’une église pour négocier, mais l’ordre, l’harmonie et l’étiquette de la Cour anglaise avaient été fort mis à mal. Le roi et son favori ressemblaient à des fugitifs fuyant d’un sanctuaire à l’autre. La roue de la fortune avait tourné une nouvelle fois. Les Aquilae avaient aussi perçu ce changement ; ils sentaient qu’ils avaient perdu quelque chose, que c’en était fini des jours de gloire où ils se pavanaient autour du trône. Eux-mêmes étaient devenus des proies poursuivies sans relâche par les forces des barons et voilà qu’un des leurs avait été mystérieusement occis. Ils étaient à la fois curieux et très inquiets.
    D’une voix plus forte qu’il ne le voulait et qui résonna sous la haute voûte, Rosselin se fit leur porte-voix.
    — Comment Lanercost a-t-il péri ?
    — Je l’ignore, répondis-je avec lassitude. Il a peut-être mis fin à ses jours, ce qu’à Dieu ne plaise.
    Hochements de tête sceptiques et ferventes objections accueillirent mes paroles.
    — Ou peut-être a-t-il été assassiné.
    Ils restèrent silencieux.
    — S’il en va ainsi, repris-je, pourquoi, comment et par qui ? Quelqu’un l’a-t-il convié dans ce clocher ? Si oui, pourquoi s’y est-il rendu ? Qui a-t-il rencontré ? De plus, l’agresseur était-il seul ou non ?
    J’eus un geste d’ignorance.
    — J’ai examiné les lieux partout ; étroits et clos, ils n’offrent pas assez de cachettes pour plusieurs assaillants. Vous voyez, messires, ce sont les bonnes questions : pourquoi, comment et qui ?
    Je me tus. J’étais fatiguée et ne pouvais trouver de sens à ce que j’avais vu et entendu.
    — Il n’était pas armé, murmura Kennington.
    Petit et noueux, il me faisait penser à un chien de combat avec sa mâchoire agressive et ses yeux rapprochés. Ses cheveux noirs étaient coupés court et il avait une balafre à la joue droite. Nerveux et mal à l’aise, il ne cessait d’effleurer des doigts le pommeau de sa dague.
    — Et ? m’enquis-je.
    — Par conséquent, s’il a retrouvé quelqu’un, ce devait être une personne en qui il avait confiance. Je veux dire que pour enlever son ceinturon…
    — Et en qui aurait-il eu confiance ? voulus-je savoir. À qui, vous, faites-vous confiance ?
    Kennington ne pipa mot.
    — À Mgr Gaveston ? À Sa Grâce le roi ? suggérai-je.
    Je m’interrompis.
    — Et à vous tous, bien sûr, ses frères d’armes ?
    Silence derechef. Je regardai, derrière les Aquilae, un panneau mural décoloré raillant l’absurdité de la vie.

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