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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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c’est vrai, et comme le ciel est au-dessus de la terre, mes pensées sont au-dessus des vôtres  ! Sans le vouloir Gaveston avait choisi la scène où se jouerait la suite de cette énigme meurtrière. Pourtant, à cette époque, se réfugier dans un château fort paraissait être un compromis acceptable aux yeux des Beaumont. Nous estimions qu’il serait facile de défendre Scarborough. Qui plus est, il disposait d’un petit port et, si Gaveston changeait d’avis, ce serait un endroit parfait pour s’éloigner en toute discrétion.
    Le favori ensuite aborda la question des provisions nécessaires au trajet jusqu’à la côte. Il expliquait comment il chargerait ses écuyers, les Aquilae, de courir les routes menant à Scarborough, quand le tocsin – une sonnerie de cloches ininterrompue – fit voler en éclats l’harmonie du prieuré. Édouard se leva d’un bond en appelant Ap Ythel. Le capitaine gallois et ses hommes firent irruption dans la pièce, épées au clair. Beaumont cria qu’on lui apporte son équipement pendant que son frère Louis passait en hâte une étole, signalant ainsi qu’il était clerc et désarmé. Nous crûmes un moment que Lancastre et les barons s’étaient, à marches forcées, introduits en secret dans York et avaient atteint le prieuré. Le parloir ne fut plus qu’exclamations et chaos. Seule Isabelle resta assise. Elle avait sorti de son escarcelle un chapelet d’ivoire et de nacre qu’elle égrenait avec calme. J’allai m’accroupir près de sa chaire. Elle me sourit et me caressa doucement la tête.
    — Vous êtes bien silencieuse, madame ?
    —  Video atque taceo, souffla-t-elle. Je veille et me tais, comme vous le ferez, Mathilde. Regardez !
    Une clochette, agitée avec force, calma les clameurs. Un jeune franciscain, hors d’haleine, se forçant un chemin à travers la cohue, vint s’agenouiller devant le roi, debout, les bras tendus, pendant que Ap Ythel bouclait le ceinturon royal autour de sa taille.
    — Votre Grâce…
    Le frère s’exprima d’abord en patois local puis, se ravisant, adopta l’anglo-normand.
    — Il n’y a rien à craindre, Votre Grâce, mais…
    Il leva la tête.
    — Messire Leygrave, l’un des écuyers de Mgr Gaveston, a été retrouvé, tout comme…
    Des cris de consternation accueillirent la suite de son annonce. Gaveston déboucla son ceinturon et se laissa tomber dans sa chaire, la main sur la bouche comme un enfant terrorisé. Édouard me regarda et, d’un signe du menton, m’ordonna de sortir.
    — Allez, chuchota Isabelle sans relever la tête. Allez, Mathilde ! Vide atque tace – veillez et taisez-vous !
    Je quittai le parloir, escortée par un Ap Ythel à la mine sombre et trois de ses archers revêtus de leur plastron de cuir, le visage presque invisible sous leur profond capuchon. Nous suivîmes de sonores galeries, traversâmes les jardins et parvînmes à la grande cour dont les pavés humides luisaient. Une foule s’était rassemblée. Les trois Aquilae entouraient le corps de Leygrave gisant dans une posture grotesque. Le sang sourdant de son crâne fendu se fondait dans la pluie mêlée de boue. Je me frayai un passage. Leygrave se trouvait presque au même endroit que Lanercost. Je lançai un coup d’œil vers le clocher, à ces sinistres fenêtres…
    Frère Eusebius s’approcha d’un pas traînant.
    — Madame, je sonnais l’angélus et récitais la prière : Angelus Domini annuntiavit Mariae – les Anges du Seigneur ont annoncé à Marie…
    — Bon, bon, l’interrompis-je.
    — J’en étais au septième coup…
    Il loucha vers le ciel.
    — … quand on a commencé à crier dehors.
    — Nous étions tout près, ajouta Rosselin. En fait, nous cherchions Philip : il était avec nous pendant le déjeuner, puis il est parti.
    La figure et les cheveux de Rosselin étaient trempés, son justaucorps de cuir et ceux de ses deux compagnons avaient noirci sous la pluie. Ils étaient bouleversés et affolés. Ils portaient leur ceinturon, bien que, à l’instar de Lanercost, Leygrave en fut dépourvu.
    — Où sont son épée et son poignard ? demandai-je en remerciant Eusebius d’un mouvement de tête.
    — Dieu seul le sait, répondit Rosselin en se relevant d’un mouvement brusque.
    Les Aquilae manifestaient leur peur en intimant sèchement aux curieux de reculer. Dunheved surgit, tout affairé, étole autour du cou, une fiole d’huiles consacrées à la main. Je le laissai

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