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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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autre pièce au-dessus, juste des poutres peintes décorées des bannières et pennons de la maison royale sous le toit. Près de la table, un énorme coffre au couvercle relevé débordait de documents, pour l’essentiel des lettres et des comptes rendus envoyés au souverain par ses espions au sud pour l’informer des événements.
    Ce jour-là, Édouard semblait avoir arrêté une décision, chose fort rare. Le monarque et son favori étaient, comme à l’ordinaire, vêtus de la même façon de lourds surcots bleu et écarlate frangés d’or et doublés, au col et aux poignets, de coûteuse hermine. Rasés, la peau frottée d’huile, ils étaient coiffés avec soin. Le roi avait pris place à un bout de la grande table, Gaveston à l’autre. Isabelle, en surcot vert et or orné de lacs d’amour d’argent sur une tunique immaculée, était assise à droite d’Édouard, sa magnifique chevelure retenue par une résille, dissimulée sous un voile de gaze. L’autre côté de la table était occupé par Lady Vesci, Dunheved, et moi, placée près de Henry Beaumont et de son frère. Nous étions tous emmitouflés pour lutter contre le froid qui s’insinuait. Je scrutai ma maîtresse. Elle ne cessait de regarder la table tout en faisant glisser une bague de saphir au majeur de sa main gauche pendant qu’Édouard expliquait les raisons de notre assemblée. Le roi déclara d’une voix peu audible qu’il avait commis une épouvantable erreur. Puis il lança un regard empreint de tristesse à Gaveston.
    — Sa Grâce, précisa ce dernier d’une voix claire en choisissant ses mots avec soin, se rend à présent compte que nous sommes prisonniers ici, dans le Nord. Nos messagers rapportent que les barons ont la maîtrise de toutes les routes du Sud, tous les ponts et les gués.
    Henry Beaumont souligna l’évidence :
    — Par conséquent, aucune aide ne peut parvenir au Nord.
    Il défit le bouton de sa chape – qui arborait l’emblème héraldique royal dont il était si fier : des lis d’argent sur champ de sinople – et la quitta, laissant apparaître un dispendieux justaucorps vert, puis il haussa les épaules et fit un geste vers la porte.
    — Nous n’avons point de troupes. Seulement Ap Ythel et ses archers gallois, nos escortes et ceux que nous pouvons enrôler dans les parages.
    — Oui, oui.
    L’assentiment discret arraché à Gaveston accusait sans détour le monarque d’incompétence. Enfermé à York, ce dernier ne pouvait rassembler des hommes. Rien d’étonnant qu’il ait dû tolérer des mercenaires, les Noctales par exemple, fermer les yeux sur les massacres, les meurtres et ignorer le trépas de Lanercost. J’avais été si absorbée par mes propres préoccupations que le vrai danger que couraient ma maîtresse et la Couronne ne pénétra dans mon esprit qu’alors, telle une rivière grossie par la pluie qui, soudain, déborde et submerge ses rives. Édouard n’était pas seulement un fugitif dans son propre royaume, mais aussi en grand danger de perdre son trône.
    — Aucun secours de France ? murmura Lady Vesci.
    Le roi fit un signe de dénégation.
    — Et d’Écosse ? s’enquit Dunheved.
    — Ne serait-ce que traiter avec eux est périlleux et félonie, beugla Beaumont. Alors que faire ?
    Dunheved se leva en repoussant sa chaire et, de sa puissante voix de prêcheur, déclara :
    — Votre Grâce, en tant que confesseur de vous-même et de la reine, je ne vois qu’une solution. Mgr Gaveston, comte de Cornouailles, ne devrait-il pas quitter le royaume quelque temps, aller s’abriter bien loin du monarque ?
    — Vous voulez parler d’exil, frère Stephen ? rétorqua le roi en foudroyant le dominicain du regard. Dans quel but ? Comment puis-je régner et laisser mes sujets décider qui siège en mon conseil ?
    Personne n’osa lui répondre. Les courroux d’Édouard étaient brusques et violents. Je lançai un coup d’œil vers Isabelle. Immobile, elle jouait toujours avec sa bague, perdue dans ses pensées.
    Gaveston s’agita sur sa chaire.
    — J’ai ordonné que l’on approvisionne et fortifie le château de Scarborough, sur la côte est. Ce n’est pas loin d’ici.
    Il s’interrompit en entendant Dunheved approuver d’un léger claquement des mains. Sic tempora – comme les temps changent ! Scarborough ! Un abri ! Oh, comme les paroles du Psalmiste sont justes : Mes coutumes ne sont pas vos coutumes. Mes pensées ne sont pas vos pensées,

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