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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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administrer l’extrême-onction et regardai vers l’église. Demontaigu se trouvait sous le porche. Je lui fis signe de me rejoindre pendant que frère Eusebius me glissait à l’oreille quelques mots d’un ton rauque.
    — C’est eux !
    — Quoi ?
    Le frère lai tendit un doigt osseux vers la grande porte ouvrant sur la cour : les Beaumont s’y abritaient de la pluie.
    — Qu’ont-ils fait ? questionnai-je.
    — Ont causé avec le défunt.
    — Vous voulez dire Leygrave ?
    Je me rapprochai, consciente de la voix de Dunheved qui marmonnait l’absolution.
    — Non, de l’autre. Du premier qu’a volé comme un aigle.
    Je scrutai le visage hagard d’Eusebius et compris qu’il avait l’esprit plus vif qu’il ne semblait à première vue.
    — Les ai vus parler avec lui dans le verger, le matin où il est tombé, ajouta-t-il.
    Son enrouement s’accentua.
    — Voit bien des choses, le frère Eusebius, et, pour quelques piécettes, il pourrait vous en dire beaucoup plus.
    Puis il déguerpit.
    Dunheved, les rites terminés, se leva, sourit et s’en fut sans s’attarder. Les Aquilae se regroupèrent autour de la dépouille désarticulée que j’examinai avec soin. C’était une épouvantable masse de contusions, d’os brisés, de fêlures dans le crâne et d’affreuses blessures à la face qui le défiguraient. Un bras n’était plus qu’un épais écheveau de chair qui se rigidifiait et la contorsion de sa jambe gauche était horrible à voir.
    — Quelqu’un a-t-il été témoin de sa chute ? questionnai-je.
    Rosselin appela un jeune garçon chargé d’un fagot. À en juger par les traces de farine sur son tablier, il entretenait le feu dans la boulangerie toute proche et on l’avait envoyé au bûcher quérir du petit bois. Je lui mandai d’approcher pour en savoir davantage. En phrases hachées et avec un accent que j’eus du mal à comprendre, il expliqua qu’il allait chercher du bois pour le maître boulanger. Il avait quitté le bûcher et avait levé les yeux vers le clocher à cause des ragots et des commérages ; c’est alors qu’il l’avait vu. Je lui tendis une pièce qui disparut promptement. Le jouvenceau, tout excité, se mit à jaser comme une pie. Je dus le prier de parler moins vite alors qu’il décrivait comment il avait vu quelque chose de noir, « ça ressemblait à un corbeau monstrueux », choir de la tour. Le corps était tombé comme une pierre. Non, déclara-t-il, ni les jambes ni les bras ne bougeaient. Il n’avait point ouï de cri. Il n’avait aperçu qu’un corps qui tournoyait, heurtait le toit en pente de l’édifice puis rebondissait telle une balle sur les tuiles et dégringolait dans la cour pavée. Je lui pinçai la joue, le remerciai et remarquai que son fagot risquait d’être mouillé, ce qui le fit détaler.
    Les Aquilae avaient eux aussi entendu l’histoire du témoin. Ils ne purent m’apprendre grand-chose sur Leygrave, si ce n’est qu’il était intime avec Lanercost et avait été fort navré par la mort de ce dernier. Accompagnée de Bertrand, je les emmenai loin des oreilles indiscrètes bien au fond du porche de l’église. C’est alors que je distinguai les Beaumont traînant autour du groupe de frères lais qui déposaient Leygrave sur un brancard apporté de l’infirmerie. Je les ignorai. Nous nous abritâmes de la pluie sous le tympan montrant le Christ au jour du Jugement dernier trônant au-dessus d’une phrase gravée dans la pierre : Hic est locus terribilis ! Domus dei et Porta Caeli  : C’est un lieu qui inspire la terreur ! La Maison de Dieu et la Porte du Ciel.
    Rosselin fit courir un doigt sur le pourtour de ses lèvres.
    — Madame, nous devons nous occuper de la dépouille de Leygrave. Que nous voulez-vous ?
    — Un assassin vous pourchasse, expliquai-je. J’ignore de qui il s’agit et pourquoi. Deux de vos amis ont été occis sans pitié. Un sort semblable peut fort bien attendre chacun d’entre vous. Alors je vous le demande – je vous supplie de me le dire –, pour quelle raison ?
    Ces trois hommes, qui s’étaient élevés si haut auréolés de toute la gloire de Gaveston, ne surent me répondre que par un regard maussade. Rosselin me tendit un morceau de vélin.
    — Je l’ai trouvé, enfoncé en haut de la botte de Leygrave.
    Je connaissais le contenu du message avant même de dérouler le parchemin : Aquilae Petri, ne volez pas si haut, superbes et fanfarons, car acheté et

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