Le retour de la mariée
demander…
— La ferme, Grey. Tu n’as rien à demander. On y va, c’est tout.
Logan se sentit d’un coup plus à l’aise. Pour accomplir sa mission, leur renfort lui serait précieux. En qualité de ranger, Holt exerçait une autorité plus officielle que la sienne, et Cade, qui venait de quitter l’agence Pinkerton pour se mettre à son compte, s’était déjà occupé de retrouver des enfants perdus. L’un et l’autre lui seraient utiles, mais il avait toutefois des scrupules.
— Dans le Canyon, vous risquez de rencontrer quelques-uns de vos anciens clients. Ils peuvent vous reconnaître, et alors…
— Et toi ? s’exclamèrent ensemble les deux compères, en riant de bon cœur. Le justicier le plus célèbre du Texas !
— Moi, dit Logan, je vais m’arranger pour qu’ils ne me voient pas venir. Je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre, mais j’ai le temps d’y réfléchir. Demain, jem’occupe du matériel et des fournitures. Départ vendredi par l’express, jusqu’à Van Horn. Un jour de train, quatre ou cinq jours de piste.
Il interrogea l’un et l’autre du regard. Tous deux opinèrent. Logan repoussa sa chaise pour se lever.
— Puisque tout le monde est d’accord, je vais passer chez Addison. Il n’est peut-être pas encore couché. On se revoit demain, les gars.
Il remit son chapeau et louvoya entre les tables, vers la sortie. Au moment où il allait atteindre la porte, elle s’ouvrit brusquement sur un grand gaillard.
— Lucky Logan Grey, montre-toi, viens par ici ! cria-t-il assez fort pour couvrir le brouhaha général.
Le silence se fit instantanément.
— C’est moi que tu cherches ? dit Logan. Qui es-tu ?
— Je m’appelle Bo Pilchard. Il paraît que tu as envoyé mon frère en prison, ce matin.
Ce matin ? Il semblait à Logan que l’attaque de la banque avait eu lieu dans un passé lointain. Que d’événements, en une seule journée !
— Ton frère était complice du hold-up ?
— Il a eu tort, c’est vrai. Mais comme maman pleure et que papa n’est pas en état, c’est moi qui le remplace, comme qui dirait. Je demande réparation.
— Au pistolet ? Tu risques de causer une peine de plus à ta mère, mon gars.
— Non, dit l’autre. C’est avec ceux-là que je compte venger ma famille, déclara-t-il en brandissant ses deux poings.
Quelle idée séduisante ! songea Logan. Depuis combien de temps ne s’était-il pas battu dans un saloon ? Rien de tel qu’une bonne bagarre pour le revigorer !
— Tu sais que tu me plais ? lança-t-il en regrettant l’absence de sa femme, sans doute férue de combats.
Distrait par cette pensée, il reçut un direct au visage et tituba.
— Ce coup-là, c’est ce qu’on appelle un « coup de chance », persifla Holt, au premier rang des spectateurs.
Lucky fonça à l’assaut. Pas question de laisser la chance se retourner contre lui !
Chapitre 5
Caroline relut une dernière fois la convocation qu’elle avait reçue le matin même et leva les yeux vers la plaque de cuivre. Elle était arrivée à destination.
Elle se sentait mal à l’aise. Pourquoi Logan l’attendait-il chez Thomas M. Addison, avoué ? Pour demander le divorce, sans doute ? Quelle autre raison aurait pu expliquer son geste ?
Cette pensée l’effrayait. Elle craignait le scandale que ne manquerait pas de déclencher un divorce. Un comble pour une fille de gangsters repentis ! C’était même ridicule. Mais à Artesia, si les braves gens accordaient volontiers leur pardon aux hors-la-loi devenus des bourgeois respectables, ils réprouvaient avec horreur le divorce. Dans cette petite ville, il valait mieux être une femme seule qu’une femme divorcée.
Jusqu’à présent, on la respectait. En fait de famille, elle n’avait que Will, Ben et Suzanne. Cela lui suffisait. N’ayant encouragé les avances d’aucun galant, elle s’était toujours passée d’homme. Si la présence d’un homme dans son lit lui manquait parfois, elle n’en souffrait pas. Elle ne pouvait pas tout avoir. Satisfaite de ce que lui avait apporté la Providence, elle n’en demandait pas davantage.
Avant de tirer le cordon, elle prit une profonde inspiration. L’épreuve serait rude, mais elle y ferait face avec courage.
Le secrétaire qui l’accueillit lui annonça qu’elle était en effet attendue et la précéda jusqu’au bout d’un corridor.
— Mme Grey est arrivée, monsieur, dit-il en faisant
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