Le retour de la mariée
en passant devant une collection de colliers et de laisses. A un garçon, il faut un chien. Chez Nana Nellie, nous rêvions tous d’avoir un chien. Nous en avons recueilli un qui paraissait perdu, mais dès que nous l’avons lâché, il est rentré chez son maître.
Caroline sourit.
— Le chien de Will est gentil mais il n’a aucun flair et une très mauvaise vue. Pour compenser, nous l’appelons Finaud.
— Finaud, hein ? Ce n’est pas mal, pour un chien. Vous savez quoi ? Je vais lui en offrir un autre. Les chiens font toujours des progrès quand on leur donne un compagnon. L’émulation…
— Un chien suffit dans la famille. Je n’en veux pas deux.
— Trouble-fête !
— C’est l’autre mot pour dire « maman », paraît-il.
Il rit et régla ses achats, en demandant qu’ils soient emballés et portés à la gare une heure avant le départ du train, à l’exception toutefois des objets les plus fragiles qu’il tenait à emmener avec lui.
— Voilà bien des extravagances, dit-elle, à la fois attendrie et grondeuse, quand ils quittèrent ensemble le magasin.
— Pas de reproches, s’il vous plaît ! Dites-m’en plutôt davantage sur lui. Est-il bon élève ?
— Quand il le veut bien. En sciences, il est brillant, mais en orthographe il a des progrès à faire, comme en latin.
— En latin ? Quand il saura le latin, qu’est-ce qu’il aura de plus ?
Caroline fit halte, tant elle était surprise.
— Cette réflexion, cette voix ! s’étonna-t-elle. J’ai cru l’entendre !
— Ah bon ?
Un sourire avantageux aux lèvres, un éclat d’orgueil dans le regard, Logan n’était plus le même. Il rayonnait. En le regardant lancer aux passants des regards triomphants, malgré son œil poché, Caroline dut reconnaître une fois de plus combien elle avait mal agi en le jugeant sans le connaître. Contrairement à ce qu’elle avait cru, il aimait les enfants et il avait la fibre paternelle.
— Suzanne était très douée pour le dessin, dit-elle impulsivement, je garde toujours avec moi ses carnets de croquis, parce qu’ils représentent presque tous Will aux différents âges de sa vie. Aimeriez-vous les voir ?
— Et comment ! répondit-il avec enthousiasme.
— Je les ai laissés dans ma chambre, à l’hôtel Blackstone.
— Parfait ! Ces paquets me gênent, à la fin. Je vais les déposer au Blackstone, et les reprendre demain matin. J’aurais dû les faire emballer avec le reste.
Il fit halte, sortit d’un sac une lunette d’approche de cuivre poli et la braqua pour rire sur le drapeau du Texas, qui flottait au-dessus du tribunal.
Le sourire espiègle qu’il lui adressa la bouleversa. Le clin d’œil qui suivit la fit frissonner.
Elle fut aussitôt emportée dans un tourbillon de souvenirs. A l’époque, il avait suffi à Logan d’un clin d’œil pour l’attirer sous le couvert des arbres, et lui donner son premier baiser, loin des yeux de Nana Nellie. Le désir que lui avait inspiré le seul homme de sa vie renaissait, fleurissait, s’épanouissait, lui chauffait le sang. Les joues brûlantes, elle sentit ses lèvres s’assécher.
Quelle honte ! Alors qu’à chaque instant du jour et de la nuit elle aurait dû se préoccuper du drame qui se jouait au Canyon du Fantôme Noir, elle se consumait de désir pour Logan. Pourvu qu’il ne s’en aperçoive pas !
***
— Vous avez trop chaud, Caroline ? Vous êtes toute rouge.
— Ne vous en faites pas. Tout va bien, vraiment. J’ai un peu soif, seulement.
Elle lui adressa nerveusement un petit sourire, et pressa le pas.
Encombré de ses paquets, Logan la suivit sans trop se presser. Il profitait de la situation pour s’intéresser à l’ondoiement suggestif des hanches de Caroline Kilpatrick. De Caroline Grey, plutôt. Les hanches admirablement galbées et ondoyantes de sa femme. En arrivant chez Tom Addison, elle s’était attendue à une procédure de divorce et avait aussitôt manifesté sa réprobation.
C’était intéressant. Moins intéressant que ses rondeurs, sans doute, mais intéressant tout de même. Une fois Will ramené chez lui, comment les choses allaient-elles tourner ? Voudrait-elle rester mariée, et maintenir le statu quo ? Et quelles seraient ses intentions à lui ? Financièrement, l’affaire était réglée. Mais pour le reste ?
Il ne serait pas question de divorce. Au Texas, une femme divorcée était réduite à une condition humiliante.
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