Le retour de la mariée
Tout comme ses enfants. Jamais il n’imposerait cela à son fils ! Mais quel choix lui resterait-il ? S’en aller, tout simplement ?
Ou bien rester, peut-être ? L’espoir faisait vivre, après tout. C’était peut-être l’occasion de se fixer. Avoir une femme, être son mari. Fonder une famille. Avoir son chez-soi…
Alerte ! Au bord du gouffre il se reprit. A force de marcher au soleil, il commençait à perdre la tête. Comment avait-il pu oublier la malédiction ?
Jamais il ne se fixerait. Depuis son départ de l’orphelinat, il menait une vie vagabonde, et se félicitait, après ses malheurs, d’avoir choisi une carrière qui le rendait libre d’aller où il le voulait, quand il le voulait. Il vivait dans l’immédiat, là où le conduisait sa fantaisie, et rien ne pourrait le dissuader de continuer à mener cette vie. Il n’était pas fait pour avoir une famille.
Il répugnait au divorce comme à la vie conjugale. Alors, que faire ? Il n’en savait rien. Tout allait si vite, depuis la veille ! A peine avait-il eu le temps de prendre conscience qu’il avait un fils.
Au gré de ses pas, la jupe de Caroline découvrait alternativement sa cheville droite et sa cheville gauche. Ce spectacle avait de quoi saper les fondements mêmes de ses principes. Malgré lui, Logan se laissait aller à considérer les avantages d’avoir une femme à soi, cette femme-là, avec tous les avantages et tous les plaisirs auxquels la vie matrimoniale donnait droit.
Il avait beau se répéter que cette femme ne pouvait lui apporter que des ennuis, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle en valait la peine.
A proximité de l’hôtel Blackstone, il s’arrangea pour tenir ses sacs d’une seule main, revint au niveau de Caroline et lui posa familièrement la main au creux du dos pour la faire entrer dans le hall.
Sans protester, Caroline prit la clé de sa chambre dans son sac et le conduisit jusqu’au deuxième étage. Assez petite, sa chambre n’était meublée que d’un lit, d’une petite commode, d’une chaise et d’un secrétaire. Comme un porte-documents se trouvait posé sur la chaise, Logan entassa ses sacs sur lesecrétaire pendant que Caroline enlevait son chapeau et le posait sur la commode. Faute de mieux, il s’assit au pied du lit, le regard fixé sur elle.
Quelle étrange situation ! A les voir ainsi, on aurait pu croire qu’ils étaient vraiment mari et femme, qu’ils étaient allés faire des courses en ville et qu’ils venaient se reposer. Avec elle, il se sentait bien, tranquille, détendu.
Caroline s’approcha de la commode, un pichet d’eau à la main. Elle commença à verser l’eau dans un verre, mais sa main tremblait tellement que le liquide se déversa sur le meuble. Jurant entre ses dents, elle s’empressa de l’essuyer avec son mouchoir.
Ainsi, elle se sentait nerveuse, elle aussi. Habituellement, Logan se montrait assez entreprenant avec les femmes et parvenait à mener rondement les choses, mais les événements récents l’avaient complètement désorienté, si bien qu’il se perdait en conjectures. Comment devait-il se conduire ? Encore aurait-il fallu qu’il sache où il voulait en venir.
Elle lui tendit le verre.
— Un peu d’eau ?
— Non, merci.
Elle vida le verre d’une seule lampée, à la manière dont les ivrognes de comptoir avalent le whisky. Nerveuse, elle l’était bel et bien. Seule avec lui dans une chambre d’hôtel, attendait-elle le moment où, n’y pouvant plus tenir, il se jetterait sur elle ?
L’idée semblait fort séduisante.
La dernière fois qu’ils s’étaient trouvés seuls dans une chambre d’hôtel, une quinzaine d’années plus tôt, elle était déjà nerveuse. Elle était si jeune alors, et tellement innocente ! Lui-même ne devait pas être très adroit, à y bien réfléchir.
Depuis ce temps-là, Logan avait appris à mieux se contrôler. Mais Caroline était cent fois plus désirable qu’elle ne l’avait été, c’était une femme à présent, et cela n’arrangeait pas les choses.
Et puis, elle avait toutes les raisons de se sentir nerveuse.
— Suzanne inaugurait un cahier de croquis à chacun des anniversaires de Will, dit-elle. Je n’ai pris avec moi que le premier et le sixième. Tu veux les voir tous les deux ?
— Naturellement.
Elle sortit de son porte-documents deux dossiers fermés par des courroies de cuir. Lorsqu’elle eut ouvert le premier, Logan reporta son
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