Le retour de la mariée
domaine du déguisement, on ne va jamais trop loin, déclara-t-elle.
Dépassé par les événements, Logan la laissa poser sur sa tête le couvre-chef ridicule. Les sourcils froncés, les dents mordillant sa lèvre inférieure, Caroline jeta sur son œuvre un regard critique. Elle ne semblait pas tout à fait satisfaite.
— Tu pourrais mettre ton médaillon en évidence, en le portant au-dessus de ta chemise, plutôt que dessous… Mais non, à la réflexion. Il attirerait le regard, ce qui n’est pas le but recherché.
— Au premier coup d’œil, ils vont me descendre !
Un peu agacée, Caroline fit claquer sa langue.
— Tu as l’air trop viril. Tu te tiens trop droit, les épaules trop dégagées. Quand nous verrons du monde, il faudra les rentrer un peu, et faire le dos rond, si tu vois ce que je veux dire.
Logan ôta le chapeau.
— J’aurais dû me boucher les oreilles, pour ne pas t’entendre, grommela-t-il.
Au fait, pourquoi l’avait-il écoutée ? Sa colère n’aurait pas dû s’atténuer, en principe, puisque ses griefs étaient toujours les mêmes. Mais il ne pouvait s’empêcher de reconnaître qu’elle avait raison. De mauvaise grâce, il comprenait son point de vue.
Il n’était pas mécontent non plus que son fils ait pour mère une véritable lionne, prête à traverser le désert pour aller le secourir, pour secourir aussi ses amis les plus chers. Le vieux Whitaker n’était pas digne de son affection, sans doute. Mais en la lui accordant, Caroline se grandissait.
En fait, sa colère n’avait pas pour origine un sentiment de culpabilité, comme elle l’avait suggéré, mais une blessure d’amour-propre.
Elle s’était moquée de lui, l’avait trompé sur ses véritables intentions, avait couché avec lui, pour couronner le tout. Un homme qui se respecte a horreur qu’une femme le trompe. Il s’était laissé aveugler par la colère jusqu’au moment où… il devait l’admettre pour être honnête avec lui-même… jusqu’au moment où elle lui avait parlé d’ amour .
Quel aveu de faiblesse ! Il fallait qu’il ait un cœur de femme, pour se laisser aller ainsi.
Mais lorsqu’elle lui avait parlé des sentiments qu’elle ressentait pour lui, dans la cuisine, l’avant-veille, il avait senti sa colère fondre. Elle lui avait assuré que jamais elle ne serait venue dans son lit si elle ne l’avait pas aimé. Comme si le désir et son assouvissement ne suffisaient pas. Comme s’ils n’étaient pas des « sentiments », à leur manière.
Non, Caroline avait parlé d’« amour ». De ce sentiment auquel Logan n’avait jamais vraiment cru.
Elle, elle ne se contentait pas de la jouissance physique. Elle y ajoutait quelque chose de plus intime, de plus personnel, de plus durable. Une fois ses premiers élans de colère retombés, il l’avait enfin comprise, ce qui faisait l’effet d’un baume sur sa fierté blessée. Et puis un homme n’a-t-il pas de quois’enorgueillir quand il sait que sa femme n’a connu que lui, malgré quinze années d’absence ?
Les choses n’étaient pas aussi simples qu’il l’avait d’abord cru.
Ils continuèrent à se chamailler, mais sans aigreur. Ils finiraient bien par s’entendre, Logan le pressentait. Mais Caroline partageait-elle cette impression ? Ils n’en étaient pas encore au baiser de réconciliation, et la querelle du déguisement s’éternisait.
— Ne bougonne pas sans cesse, lâcha-t-elle enfin. Tu ne vas pas t’habiller ainsi en permanence. Cela n’aura d’importance qu’aux abords du Canyon. Tu as encore quelques jours pour te faire à l’idée que dans un autre sac je t’ai apporté un costume couleur puce.
— Couleur quoi ? s’inquiéta-t-il en fronçant les sourcils.
— Puce. C’est une couleur neutre, marron rouge, une couleur qui permet de passer inaperçu.
De toute évidence, elle faisait un effort pour ne pas éclater de rire. Cela se voyait à la lueur violette de ses yeux, et au plissement de ses lèvres.
— Comment peux-tu plaisanter dans un moment pareil ?
— Nous allons bientôt retrouver Will. Du coup, je suis de bonne humeur.
Logan, pour sa part, se trouvait surtout d’humeur entreprenante. La fatalité des chambres d’hôtel se serait sans doute abattue sur eux si, pour cette fois, il n’en avait retenu deux. La tentation était forte, mais il aurait été déraisonnable d’y céder.
Il valait mieux qu’il ne pense pas à la fougue de Caroline,
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