Le retour de la mariée
à ses abandons, à son odeur de femme, à son parfum frais, à la façon dont elle lui souriait, à ses rires.
Une expédition aussi longue et dangereuse nécessitait vigilance et lucidité, qualités incompatibles avec les exploits amoureux, il le savait d’expérience.
Sans qu’il y prenne garde, son regard s’attarda pourtant sur la silhouette de sa femme, sur les courbes voluptueusesde son corps. Il était temps d’échapper à la fascination, en se réfugiant dans la chambre voisine.
Le fallait-il vraiment ? Elle était sa femme, après tout, et le devoir conjugal était aussi un droit !
Non, ce serait une grave erreur. Une énorme erreur. Une erreur colossale.
Une stupidité.
— Donne-le-moi, ce fichu déguisement, dit-il après s’être éclairci la gorge. C’est le moment d’aller dormir, pour se tenir prêts au départ dès le point du jour. Je peux compter sur toi ?
— Je t’ai fait la promesse de ne jamais te retarder, répondit Caroline en lui tendant le paquet. Je la tiendrai.
— Merci. Bonne nuit, alors. Dors bien.
Le paquet sous le bras, il fit mine de lever un chapeau.
— Bonne nuit, Logan.
Qu’avait-elle, bon sang, à se passer ainsi le bout de la langue sur les lèvres ? C’était de la provocation.
Cette image le hanta jusqu’avant l’aube, si bien qu’il ne fit que se tourner et se retourner sur sa couche solitaire, toute la nuit. Chaque fois que le sommeil le gagnait enfin, il rêvait de Caroline, toute nue sur des draps froissés couleur jaune potiron…
Il s’éveilla les membres raides et douloureux, déjà fatigué avant d’entreprendre un voyage éreintant.
Quand il dut enfiler le pantalon, qui en définitive semblait plus rose que jaune, son humeur, loin de s’améliorer, s’aigrit davantage. Le déguisement ne serait pas seulement nécessaire dans le fameux Canyon. En deux jours et demi de traversée du désert, ils feraient des rencontres. Dès l’instant du départ, Caroline et lui devaient se tenir prêts à incarner leurs personnages, et donc ne pas quitter leurs costumes d’acteurs.
Une fois revêtues sa chemise blanche et sa veste pourpre, il alla se planter devant le miroir.
— Salut, le clown, murmura-t-il.
Il ne pouvait se présenter en public avec cette défroque. Ilrisquait de mourir de honte, lui qu’aucun adversaire n’était parvenu à abattre. Il devait s’y prendre autrement.
Une demi-heure plus tard, après être allé faire affaire avec les gens de cuisine, qui bien longtemps avant le lever du jour étaient déjà au travail, il s’installa sur un banc, dans le hall, pour y attendre Caroline. Quand il l’entendit fermer sa porte et reconnut son pas dans l’escalier, il ne leva pas le nez. Elle passa devant lui sans le remarquer, et il sut qu’il avait gagné.
— Señora , dit-il en espagnol, je vous invite à déjeuner.
— Non merci, répondit-elle distraitement, mon mari…
En bondissant sur ses pieds, Logan oublia son costume, et son personnage.
— Ton corsage ! Qu’est-ce que tu as fait de ton corsage ? tonna-t-il.
Au lieu de lui répondre, elle prit le temps de le toiser de la tête aux pieds, tout en exhibant avec le plus grand naturel un décolleté généreux.
— Une cape et un sombrero ? Excellent choix. Tu vas avoir chaud…
— Mieux vaut mourir de chaleur que de honte.
— C’est exactement ce que je me suis dit. En te poussant à bout, j’étais certaine que par fierté tu trouverais un déguisement plus seyant, et tout aussi efficace.
Par fierté ? Cette sorcière était parvenue à le manœuvrer, encore une fois.
— Toi, tu risques plutôt une double fluxion de poitrine, en t’exhibant ainsi !
— Je n’ai opéré que quelques modifications, dit-elle en haussant les épaules. Les regards, c’est moi qui dois les attirer. Toi, on ne doit pas te voir.
— Attirer les regards est une chose. Provoquer des émeutes en est une autre. Si je dois sortir mon colt pour tirer dans le tas, l’effet est manqué.
— Ne sois pas ridicule, conseilla-t-elle en riant. Tu as besoin d’un café, pour te réveiller.
Comme s’il avait besoin de se réveiller !
Mais le copieux petit déjeuner le rasséréna en effet, d’autant que Caroline, par discrétion, s’était couvert la poitrine d’un châle.
Le jour venait de se lever lorsqu’ils prirent enfin le départ.
Dès leur arrivée à Van Horn, la veille, Logan avait fait l’acquisition de quatre chevaux, deux juments
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