Le retour de la mariée
renseigner, tant pis pour lui. On ne l’a pas vu, mais hier soirun type est venu mendier à manger, là où on réchauffait le dîner. Le midi, il avait eu pitié d’un gamin qui traînait, tout seul. Ce pauvre homme voulait juste partager sa gamelle, mais l’autre lui a dévoré toutes ses provisions. Il s’appelait Will Grey, l’affamé.
— C’est bien lui, confirma Plunkett. Will Grey. C’est mon fils.
D’un coup d’œil, Logan vit que Caroline frémissait, la main droite cachée dans son giron. Il durcit son regard. L’initiative lui revenait, à lui seul.
— Vous avez campé où, au juste ? demanda le prétendu père.
Logan gesticula sur sa selle, se tournant en arrière autant qu’il le pouvait, à la recherche d’on ne savait quoi.
— Pas assez de repères, maugréa-t-il. Je vais vous faire un plan.
Il se laissa glisser de son cheval et s’éloigna de quelques mètres pour atteindre une zone sableuse, dépourvue de toute végétation. Plunkett mit aussitôt pied à terre, pour venir voir. Caroline s’apprêtait à quitter sa monture, elle aussi, mais Logan l’en dissuada.
— Restez où vous êtes, madame ! J’aurai bientôt fini.
Un peu penché, il dessina sur le sable avec une tige sèche quatre croix et deux cercles.
— Nous sommes ici, expliqua-t-il en désignant l’une des croix. Là, vers l’est, la colline à une heure de cheval… Attendez. J’ai un meilleur moyen de vous faire voir… Ne bougez pas, j’arrive.
Il fit vingt pas, les mains bien visibles jusqu’au moment où il fit demi-tour. Sur son poncho brillait une étoile.
— Deuce Plunkett, je vous mets en état d’arrestation pour l’enlèvement de Will Grey.
Plunkett, qui s’était penché lui aussi, se redressa lentement.
— Qui diable…
— Je suis enquêteur assermenté. Haut les mains !
— Va te…
Au moment où le bandit atteignait son pistolet, Logan sortit le sien et tira. Plunkett eut à peine le temps de sursauter. Ses genoux se dérobèrent sous lui.
— Moi aussi, dit Logan en venant vers lui, je suis le père de Will Grey.
Une main crispée sur la poitrine, le mourant ouvrit la bouche. Un filet de sang coula sur son menton. Puis il tomba en avant, face contre terre.
***
Dérogeant pour une fois à ses principes, Logan décida de laisser les vautours et les coyotes s’occuper du corps du bandit, sans que Caroline y trouve à redire. Elle ne parvenait pas non plus à se réjouir d’un châtiment si mérité. A force d’émotions, son esprit finissait par s’engourdir. Deux morts en deux jours. Elle n’était pas faite pour subir tant d’épreuves.
Elle se laissa guider par Logan tandis qu’elle réfléchissait. Elle se sentait meurtrie, plus gravement encore que la veille, ce qui était d’une certaine façon absurde, puisqu’elle savait à présent que Will avait échappé à son ravisseur. Elle ne cessait pourtant de s’inquiéter pour lui. Avait-il assez d’eau ? Trouvait-il où dormir, où manger ? Comment parvenait-il à supporter la solitude, dans le désert ? Elle refusait en effet de penser qu’il était peut-être tombé aux mains de bandits aussi cruels et dangereux que ceux qu’elle venait de rencontrer.
Deux jours. Deux morts. Sans compter les victimes du cyclone… En une semaine elle avait vu plus de sang qu’au cours de toute son existence. Peut-être avait-elle atteint ses limites…
Son esprit s’embrumait. Elle aurait voulu se coucher à l’ombre de l’un des rochers qui jonchaient le sol, et s’endormir. Ses mains tremblaient et, parfois, elle n’était plus sûre de ses jambes. La soif était insupportable. Quand elle vit le paysage tanguer devant elle, elle eut tout juste la force de tirer les rênes pour faire halte.
Elle glissa de sa selle et s’assit sur le sol. Juste à côté d’elle poussait un figuier de Barbarie.
Un peu plus, et elle s’asseyait dessus. A cette pensée, des quintes de rire l’étouffèrent, lui serrant la gorge. C’était un rire hystérique. Il lui restait tout juste assez de lucidité pour le comprendre.
— Caroline ? Ma chérie ?
L’ombre de Logan lui cachait le soleil. Elle continuait à rire, sans pouvoir s’arrêter, en marmonnant, en gloussant. Pour comble de détresse, elle se mit alors à pleurer.
— Allons, ma douce, murmura Logan, à genoux près d’elle, tout va bien, tout va s’arranger…
Comme on souffle une bougie, elle cessa de rire, et de pleurer.
— Non, rien
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