Le retour

s'était assise. Laurette alla déposer le
sac contenant son repas dans son casier, endossa son sarrau et vint prendre
place en face de son amie.
     
    - As-tu des
nouvelles de Dorothée? demanda-t-elle en tirant une cigarette de son étui,
Dorothée Paquette était absente de son travail depuis deux jours, ce qui était
tout à fait inhabituel. La jeune
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    femme jouissait
d'une excellente santé et ne s'absentait jamais du travail. Depuis qu'elle la
connaissait, Laurette ne se souvenait pas l'avoir vue malade un seul jour.
     
    La longue figure
un peu ingrate de Lucienne Dubeau prit une telle expression gênée que Laurette
le remarqua.
     
    - Qu'est-ce qu'il
y a? Qu'est-ce qui se passe?
     
    - Rien.
     
    - Est-ce qu'il
lui est arrivé quelque chose?
     
    - Ben...
     
    - Ben quoi?
     
    - Promets-moi que
t'en parleras pas à personne, reprit Lucienne, qui sembla prendre une brusque
décision.
     
    - C'est promis.
Accouche! Qu'est-ce qui se passe?
     
    - Bon. Tu te
rappelles qu'il y a trois jours, quand la machine a brisé, on a fini de
travailler deux heures avant le temps.
     
    - Oui. Puis
après?
     
    - Dorothée est
rentrée à la maison et elle a trouvé son mari dans leur lit, avec une voisine.
     
    - C'est pas vrai!
s'exclama Laurette. Ah ben, j'aurai tout entendu! Le maudit sans-coeur qu'elle
fait vivre depuis des années la trompe en plus! J'espère qu'elle l'a sacré à la
porte avec ses guenilles!
     
    - Ça a pas l'air.
     
    - Comment ça se
fait que tu sais ça, toi? demanda Laurette en baissant la voix.
     
    - Je lui ai
téléphoné hier soir. Ça faisait deux jours
    qu'elle manquait
et je trouvais pas ça normal. Je voulais savoir si elle était malade.
     
    - Puis?
     
    - Elle m'a dit
qu'elle était correcte. Puis elle s'est mise à pleurer au téléphone. Son mari était
pas là. J'étais tellement inquiète que je lui ai dit que j'allais la voir. J'ai
sauté dans le petit char et je suis allée passer la soirée avec
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    elle. T'aurais dû
la voir quand elle m'a ouvert la porte. Elle avait l'air d'avoir braillé depuis
des heures.
     
    - Et son Henri?
Où est-ce qu'il était passé? demanda Laurette.
     
    - Il était parti
faire un tour au Mocambo, il paraît.
     
    MONSIEUR se paie
les clubs pendant que sa femme travaille comme une folle pour le faire vivre,
ajouta Lucienne, les dents serrées.
     
    - Tu parles d'un
maudit écoeurant! explosa Laurette.
     
    Moi, si je lui
mettais la main dessus, sa mère serait plus capable de le reconnaître quand je
le lâcherais. Veux-tu ben me dire, toi, pourquoi elle l'a pas sacré dehors?
     
    - Il paraît qu'il
lui a promis de plus recommencer.
     
    - Et elle l'a
cru?
     
    - Elle l'aime à
en voir plus clair, expliqua Lucienne.
     
    Qu'est-ce que tu
veux qu'on y fasse.
     
    - Maudit que la
vie est mal faite! explosa Laurette.
     
    Elle est belle
comme un coeur et elle a juste trente-cinq ans. Tu me feras pas croire qu'elle
pourrait pas trouver mieux que ce lâche-là.
     
    - En tout cas,
j'ai pas essayé de la faire changer d'idée, fit son amie sur un ton
raisonnable. Au fond, ça nous regarde pas. J'ai surtout passé deux heures à la
convaincre de revenir travailler aujourd'hui. Il manquerait plus que le boss la
mette dehors. C'est tout de même pas son Henri qui est capable de la faire
vivre. Ça fait des années qu'il travaille pas, le sans-coeur.
     
    Laurette allait
lui demander si elle était parvenue à persuader leur amie de revenir au travail
quand elle aperçut Dorothée, qui venait d'entrer dans la salle. La jeune femme
avait un sourire un peu contraint quand elle fit signe de la main à ses deux
camarades qu'elle venait d'apercevoir à l'autre bout de la pièce.
     
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    - Pas un mot de
ce que je t'ai raconté, ordonna Lucienne à Laurette en lui renvoyant son salut.
     
    - Me prends-tu
pour une folle? murmura Laurette en repoussant brusquement sa chaise avec
l'intention de se lever.
     
    - Aie! Regarde ce
que tu fais, la grosse! lui ordonna une voix derrière son dos.
     
    Laurette se
tourna tout d'une pièce pour se retrouver face à face avec la figure haïe de
Madeleine Sauvé. Son sang ne fit qu'un tour. Sa main droite se referma comme
une serre sur le devant du sarrau de la grande femme maigre et elle la repoussa
durement. Sous la force de la poussée, Madeleine Sauvé faillit basculer
par-dessus la table contre laquelle elle était coincée.
     
    - Comment tu
viens de m'appeler, toi? lui hurla Laurette en la secouant comme un