Le retour

allaient
peut-être lui mettre du plomb dans la tête.
     
    - Ça fait tout de
même du bien, dit-elle à mi-voix en humant avec plaisir l'odeur d'eau
javellisée utilisée par ses enfants pour laver murs et plafonds.
     
    Cette odeur
sembla soudain lui rappeler le sort qui attendait probablement sa fille dès le
lendemain si elle ne trouvait pas un autre emploi que celui de fille de salle à
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    l'hospice Gamelin
de la rue Dufresne. Elle eut alors un pincement au coeur.
    - C'est de valeur
de lui faire perdre son année d'école, admit-elle toujours à mi-voix, mais il y
a tout de même un bout. Verrat! Je suis pas pour la laisser faire ses quatre
volontés.
     
    Pendant de
longues minutes, la mère de famille continua à songer au sort de sa cadette
sans parvenir à admettre qu'elle devrait changer sa décision. Un peu après une
heure du matin, elle termina son reprisage. Elle rangea son travail, éteignit
le plafonnier et retourna se mettre au lit avec l'espoir que le sommeil ne la
fuirait pas malgré le fait qu'elle avait dormi toute la soirée.
     
    - Je vais dire
une dizaine de chapelet, murmura-1-elle en s'emparant de son chapelet toujours
suspendu à la tête de son lit. Ça va m'aider à m'endormir.
     
    La Vierge dut
l'entendre parce qu'elle s'endormit avant même d'avoir terminé la récitation de
ses ave. Elle se réveilla en sursaut le lendemain matin et jeta un coup d'oeil
à son réveille-matin: les aiguilles du gros Westclock indiquaient six heures. Elle
se leva avec l'impression d'être tout à fait reposée. Elle endossa sa robe de
chambre en chenille avant de se rendre dans la cuisine.
     
    Après avoir
allumé sa première cigarette, elle s'activa à préparer du gruau pour les siens
et allait dresser le couvert
    quand Carole
sortit de sa chambre. Ses yeux boursouflés et ses traits tirés disaient assez
la mauvaise nuit qu'elle avait passée. Laurette la laissa disposer des bols et
des tasses sur la table pendant qu'elle se versait une tasse de café. La mère de
famille mit ensuite deux tranches de pain dans le vieux grille-pain et attendit
quelques instants avant d'en ouvrir à nouveau les portes pour tourner ses
rôties.
     
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    - Tu feras des
boulettes de steak haché et tu feras cuire les patates cet après-midi, quand tu
reviendras de l'école, dit-elle à sa fille au moment où elle commençait à
étaler de la marmelade sur ses rôties.
     
    Carole ne réagit
d'abord pas en entendant les paroles de sa mère. Elle était certaine d'avoir
mal entendu. Puis elle comprit subitement ce qu'elle venait de lui dire.
     
    - Est-ce que ça
veut dire que vous me laissez retourner à l'école, m'man? demanda-t-elle à sa
mère, osant à peine y croire.
     
    - Oui, puis
écoute-moi ben! reprit Laurette sur un ton menaçant en fixant durement sa fille
plantée devant elle, de l'autre côté de la table. Si jamais j'apprends que t'as
traîné une seule fois avec un gars ou que t'as manqué l'école pour rien, ça va
être fini une fois pour toutes. Il sera plus jamais question d'école.
     
    - Je vous le
promets, m'man, fit l'adolescente au comble du bonheur.
     
    - À cette heure,
laisse-moi manger tranquille. Je pars travailler dans dix minutes.
     
    Au même moment,
Jean-Louis, Gilles et Richard firent leur entrée dans la cuisine. L'aîné
s'empressa de remplir un bol à main d'eau chaude avant d'aller se réfugier dans
la salle de bain pour se raser et se laver. Les deux plus jeunes prirent place
à table, affamés.
     
    - Le gruau est
prêt, leur dit leur mère. Vous avez juste à vous servir.
     
    Ils se levèrent
et allèrent se servir un bol de gruau avant de revenir s'asseoir.
     
    - M'man veut que
je retourne à l'école, ne put s'empêcher de claironner Carole à ses deux
frères.
     
    Gilles et Richard
ne firent aucun commentaire, mais tout dans leur expression disait qu'ils
approuvaient la décision de leur mère d'accorder une nouvelle chance à leur
soeur.
     
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    - Toi, tu vas
avertir le petit baveux de ton école de laisser ta soeur tranquille, tu
m'entends? dit la mère de famille à Gilles en finissant de manger sa rôtie.
     
    - C'est correct,
m'man, accepta son fils. Je vais essayer de le trouver à l'école.
     
    - Bon, il faut
que j'y aille, ajouta-t-elle en se levant après avoir vidé en une seule gorgée
le reste de café contenu dans sa tasse.
     
    - Qu'est-ce que
je vais faire pour le billet d'absence?
     
    demanda
timidement Carole à sa mère.
     
    - Je signe pas