Le retour

l'incitèrent au calme et à la patience quand elle leur eut raconté les
inconvénients causés par la visite prolongée de sa belle-mère.
     
    Le soir même,
Gilles accepta de soulager sa mère durant quelques minutes en entraînant sa
grand-mère jusqu'au parc Bellerive pour lui faire admirer le fleuve.
     
    - C'est juste à
côté, grand-mère. Vous allez voir que c'est pas mal beau, même s'il y a pas mal
de robineux qui traînent là. En plus, il fait doux et on est bien dehors.
     
    - Ils sont pas
dangereux?
     
    - Ben non. Ils
sont juste un peu achalants.
     
    Lucille,
rassurée, ne se fit pas prier pour sortir de la maison, même si elle ne
parvenait pas à s'habituer aux odeurs émises par la Dominion Oilcloth et la
Dominion Rubber.
     
    - C'est
effrayant! ne manquait-elle jamais de s'exclamer à chacune de ses rares
visites. Ces compagnies-là vont finir par vous empoisonner.
     
    Dès que la grand-mère
fut sortie, Laurette poussa un soupir de soulagement.
     
    - Ouf! On va
avoir la paix pendant dix minutes.
     
    - Pourquoi
Richard a sorti le vieux lit pliant du hangar? demanda Carole, qui rentrait
dans la cuisine après avoir jeté des déchets dans la poubelle placée à
l'extrémité du balcon.
     
    - C'est pour toi,
ma chouette, lui dit sa mère. J'ai pas pu dormir avec les ronflements de ta
grand-mère la nuit passée. Je peux tout de même pas continuer à dormir dans
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    la chaise
berçante. J'ai pensé que tu pourrais me laisser ta place et dormir dans le
corridor jusqu'à ce que ta grand-
    mère parte. Ce
sera pas long. Elle m'a encore dit tout à l'heure que ton oncle Rosaire a
promis de venir la chercher samedi soir au plus tard quand il va être revenu
des États.
     
    - S'il y a pas
moyen de faire autrement, concéda l'adolescente de mauvaise grâce.
     
    - Ce sera pas la
fin du monde, poursuivit sa mère. Il reste juste à soir et demain soir.
     
    - Une chance.
J'haïs ça, moi, dormir dans le milieu de la place, fit Carole en ronchonnant.
     
    Chapitre 6
    Un caprice
    Lorsque Laurette
s'éveilla le samedi matin, elle tâta le lit à ses côtés pour découvrir que
Denise était déjà levée.
     
    Un coup d'oeil à
son Westclock lui apprit qu'il était huit heures et vingt.
     
    - Mais il est
donc ben tard! ne put-elle s'empêcher de dire en s'empressant de repousser les
persiennes pour laisser entrer le soleil dans la chambre où elle dormait depuis
deux jours.
     
    En ce samedi
matin, tout concourait à la mettre de bonne humeur. Sa belle-mère allait la
quitter à la fin de la journée et elle avait magnifiquement dormi pour une
seconde nuit. Denise ne bougeait pratiquement pas durant son sommeil et,
surtout, elle ne ronflait pas. De plus, elle se rendait compte que la chambre
donnant sur la cour arrière était beaucoup plus calme que celle qu'elle avait
toujours occupée avec Gérard.
     
    La tête couverte
de gros bigoudis roses, elle entra dans la cuisine au moment même où son aînée
s'apprêtait à quitter la maison pour aller travailler. Lucille Morin, coiffée
et vêtue d'une robe brune, était debout devant l'évier, en train de laver la
vaisselle du déjeuner en compagnie de Carole.
     
    - Est-ce que tout
le monde est parti travailler?
     
    demanda Laurette
en soulevant la bouilloire pour vérifier si elle contenait de l'eau.
     
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    - D'abord,
bonjour, ma fille, fit Lucille, comme pour lui donner une leçon de
savoir-vivre.
     
    - Bonjour, répéta
Laurette sur un ton brusque.
     
    - Pour répondre à
votre question, les trois garçons sont partis depuis un petit bout de temps,
reprit sa belle-
    mère en réprimant
mal un petit air satisfait.
     
    - Et moi, je pars
tout de suite sinon je vais être en retard, compléta Denise en s'emparant du
sac contenant son repas du midi.
     
    - Savez-vous,
Laurette, que je commençais à me demander si vous étiez pas morte, fit
remarquer Lucille.
     
    Il est presque
neuf heures.
     
    - Huit heures et
quart, madame Morin, la corrigea sa bru, qui sentait sa bonne humeur
disparaître rapidement.
     
    - En tout cas, on
peut dire que quand vous faites la grasse matinée, vous manquez pas votre coup.
Une chance que j'étais debout pour faire le déjeuner des enfants, ajouta la
vieille dame sur un ton de reproche.
     
    - A l'âge qu'ils
ont, belle-mère, ils sont tous capables de se débrouiller pour faire leur déjeuner.
Ils ont pas besoin de personne pour faire cuire leurs toasts.
     
    En confectionnant
sa tasse de café, Laurette se