Le retour
travail le dimanche après-midi, mais sa visite au
sanatorium l'en avait empêchée.
Seule Carole
demeura dans la cuisine en compagnie de sa mère et de sa grand-mère jusqu'à
huit heures trente pour faire ses devoirs. Il y avait belle lurette que ses
frères et sa soeur s'étaient réfugiés dans leur chambre pour échapper aux
remarques désagréables de la visiteuse.
À un certain
moment, Laurette avait quitté la pièce pour aller voir Richard, étendu sur son
lit en train de lire un IXE-13 acheté usagé chez le tabagiste voisin de la
Banque d'Épargne, sur la rue Sainte-Catherine.
- Entends-tu
encore des rats dans le mur? lui demandât-
elle, inquiète.
Où est-ce que t'as mis les trappes que t'as trouvées dans le hangar?
Richard se leva
en faisant signe à sa mère de parler moins fort.
- Il y a pas de
rats pantoute dans le mur, m'man. J'ai dit ça juste pour faire peur à mémère.
Je pensais la décider à sacrer son camp après le souper.
- Beau niaiseux!
Tu nous as surtout fait peur, à moi et à Denise, le réprimanda sa mère.
- Ben, je pensais
vous faire plaisir. Comment vous allez faire pour dormir avec elle dans votre
lit? Y avez-vous pensé? demanda l'adolescent, changeant de sujet. C'est
écoeurant comment elle ronfle fort. Vous vous en souvenez pas?
- Ben oui, je
m'en souviens! Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse? Je peux tout de même pas
l'envoyer coucher dans la cave, bonyeu!
- En tout cas,
j'ai fait ce que j'ai pu pour vous donner un coup de main, conclut Richard en
retournant s'étendre sur son lit.
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Quelques minutes
plus tard, Lucille se leva après avoir fermé le livre qu'elle lisait depuis
près d'une heure. Elle disparut dans la chambre à coucher pour en sortir
quelques instants plus tard vêtue d'une épaisse robe de chambre grise et
coiffée d'une résille.
- Il est presque
neuf heures, Laurette. Vous m'avez pas dit que vous vous couchiez d'habitude
avant neuf heures tellement vous étiez fatiguée?
Laurette ne put
faire autrement que d'acquiescer.
- Je finis de
fumer ma cigarette et je me couche, déclara sa bru qui n'avait jamais eu
l'intention de se mettre au lit aussi tôt.
- Bon. Je pense
que je vais me coucher en même temps que vous.
- Sentez-vous pas
obligée, madame Morin. Vous pouvez veiller aussi longtemps que vous le voulez,
ça me dérange pas pantoute.
- Non, non. Comme
ça, je suis sûre que je vous réveillerai pas en venant me coucher, fit Lucille
en pénétrant dans les toilettes.
Après avoir passé
sa robe de nuit, Laurette se mit au lit et, après avoir souhaité "bonne
nuit" à sa belle-mère, elle s'empressa de lui tourner le dos. Elle demeura
longtemps les yeux ouverts dans le noir à guetter les bruits extérieurs.
Elle entendait
les Gravel parler à l'étage.
- Si ça a de
l'allure de se coucher de bonne heure comme ça, se répéta-t-elle pour la
dixième fois. Je suis prête à gager qu'il y a encore des enfants qui jouent
dehors.
Pourtant, la
fatigue finit par l'emporter et elle s'endormit comme si elle tombait dans un
grand trou noir. Soudain, elle se réveilla en sursaut, persuadée qu'un moteur
quelconque tournait près d'elle. Un sixième sens avait dû la prévenir du danger
car, étendue à l'extrême limite du
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matelas, elle
était sur le point de basculer dans le vide.
Lucille Morin,
habituée à coucher seule, occupait les deux tiers du lit.
- Maudit verrat!
jura Laurette à mi-voix en repoussant sa belle-mère d'un coup de coude bien
appliqué. Un peu plus et je me ramassais à terre!
La vieille dame
cessa un instant de ronfler pour se tourner sur le côté, ce qui permit à sa bru
de reconquérir un peu d'espace dans son lit. Cependant, ses ronflements
reprirent de plus belle, achevant d'éveiller sa compagne de lit.
- Une heure et
demie! se dit-elle après s'être soulevée sur un coude pour consulter son
réveille-matin dont les chiffres verts fluorescents brillaient dans le noir.
Laurette se
laissa retomber et chercha à se rendormir, mais les ronflements de sa voisine
étaient tels qu'ils l'empêchaient de retrouver le sommeil. Durant de longues
minutes, la mère de famille essaya tous les trucs qu'elle connaissait pour
s'endormir. Elle énuméra tous les changements qu'apporterait le retour de
Gérard à la maison. Elle essaya d'imaginer l'avenir de chacun de ses enfants
et, en panne d'imagination, finit
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