Le retour
mémère
".
Un mince sourire
apparut vaguement sur le visage de Laurette quand elle aperçut l'air contrarié
de sa belle-
mère. Pour sa
part, la grand-mère tourna ostensiblement la tête vers Denise.
- Et toi, ma
grande fille, comment vont tes amours?
- C'est pas mal
calme de ce côté-là, grand-mère, fit évasivement Denise, peu disposée à aborder
le sujet de sa vie sentimentale en présence de toute la famille.
- Voyons donc! Tu
me feras pas croire qu'une belle fille comme toi est pas capable de trouver un
autre garçon pour remplacer ton ancien amoureux, tu sais, celui qui travaillait
dans une banque.
Laurette se
retint avec peine de dire à sa belle-mère de se mêler de ses affaires quand
elle vit son aînée pâlir. Elle savait, elle, que Denise n'avait pas encore
oublié son Serge Dubuc.
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- J'ai pas eu le
temps de m'occuper de ça, dit Denise dans un souffle.
Lucille dut
sentir s'être avancée en terrain miné parce qu'elle tourna son attention vers
Jean-Louis qui n'avait pas ouvert la bouche une seule fois depuis le début du
repas.
- Et toi, mon
garçon, qu'est-ce que tu deviens? Si je me trompe pas, t'es majeur maintenant,
non?
- Oui. J'ai vingt
et un ans.
- T'es-tu enfin
fait une petite amie?
- Pas encore,
grand-mère.
- Qu'est-ce que
t'attends pour t'en faire une? Pour moi, tu ferais mieux d'arrêter de te tenir
avec des garçons pour t'occuper de ton avenir. À ton âge, la plupart des hommes
pensent à se marier et à avoir des enfants.
- Je le sais,
grand-mère, répondit Jean-Louis en affichant un air très contrarié.
- À propos,
vois-tu encore l'homme avec qui t'apprenais la comptabilité? C'était quoi déjà,
son nom?
- Vous voulez
parler de Jacques Cormier? demanda Jean-Louis, visiblement embarrassé.
- En plein ça.
- Il travaille
encore chez Dupuis frères, si c'est ce que vous voulez savoir, se contenta de
dire le jeune homme en se levant de table. Bon, vous m'excuserez. J'ai des
rapports d'impôt à remplir. Il reste juste deux jours avant la date limite.
Les questions
insidieuses de sa grand-mère avaient mis Jean-Louis mal à l'aise. En quoi cela
la regardait-elle?
- Moi, m'man, je
vais aller fouiller dans le hangar, déclara Richard en se levant à son tour.
- Qu'est-ce que
tu vas aller faire là? lui demanda Laurette, intriguée.
- J'ai encore
entendu tout à l'heure dans ma chambre des bruits qui venaient des murs. Je
suis certain qu'il y a une
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couple de rats
qui cherchent à entrer dans l'appartement.
J'ai vu des
trappes à rat dans le hangar l'hiver passé. Je vais essayer de les trouver
avant qu'il fasse trop noir.
- Ah non! Pas
encore des rats! s'exclamèrent en même temps Denise et sa mère qui avaient en
commun une peur irraisonnée de ces bêtes.
- Dites-moi pas,
Laurette, que vous en avez encore?
fît Lucille Morin
qui se rappelait encore en avoir vu un lors de son séjour chez son fils, trois
ans auparavant. Je pensais que vous aviez fini par vous débarrasser de cette
vermine.
- On a beau en
tuer, intervint Richard, il en vient toujours d'autres. On dirait même qu'ils
sont de plus en plus gros, à part ça.
Laurette jeta un
bref regard à son fils et vit une vague lueur d'amusement dans son visage.
- Ça va! Arrête
de faire le finfinaud et va les chercher, ces trappes-là, lui ordonna-t-elle.
Pendant que
Gilles se retirait dans sa chambre pour faire ses travaux scolaires, les quatre
femmes de la maison lavèrent la vaisselle et remirent de l'ordre dans la
cuisine.
- Avec tout ça,
l'heure du chapelet est passée, fît remarquer Lucille au moment où elle
suspendait son linge à vaisselle sur la tringle fixée au mur, derrière le poêle
à huile.
- Ici, madame
Morin, chacun fait sa prière tout seul.
On n'a pas besoin
du cardinal pour dire son chapelet, lui fit remarquer sa bru d'une voix acide.
- Peut-être, ma
fille, mais votre mari guérirait peut-
être plus vite si
vous et vos enfants, vous vous donniez la peine de prier plus.
Laurette lui jeta
un regard furieux avant de s'emparer de sa boîte de tabac Sweet Caporal déposée
sur la dernière tablette de l'armoire. Elle prit ensuite une feuille de journal
sur laquelle elle étala son tabac pour le faire sécher
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quelques minutes
avant de confectionner ses cigarettes pour le reste de la semaine. Normalement,
elle aurait fait ce
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