Le retour

rendit compte que sa belle-mère était déjà en
train de gâcher l'excellente humeur qu'elle avait en se levant quelques
instants plus tôt. Elle prit immédiatement la décision de profiter de son
samedi. Il faisait beau et la maison était en ordre. Elle avait même fait ses
achats de nourriture pour la semaine la veille, après le souper, histoire
d'échapper durant une heure ou deux aux remarques désagréables de son invitée.
     
    Après avoir
déjeuné, elle disparut dans la salle de bain pour retirer ses bigoudis et faire
sa toilette. De retour dans la chambre à coucher, elle fit rapidement son lit
avant de
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    s'habiller. À son
retour dans la cuisine, elle fleurait bon le Evening in Paris.
     
    Quand Carole vit
sa mère se pencher vers le miroir suspendu au-dessus du lavabo pour étaler un
peu de rouge sur ses lèvres, elle lui demanda:
     
    - Sortez-vous,
m'man?
     
    Lucille leva
soudain la tête de La Patrie que l'adolescente venait d'aller acheter chez
Paré, en face.
     
    - Mon Dieu,
Laurette, qu'est-ce qui se passe?
     
    demanda-t-elle à
son tour.
     
    - Ben. Je pense
que je vais vous laisser toute seule avec Carole, madame Morin, annonça-t-elle
à sa belle-mère.
     
    - Je pensais que
vous aviez congé le samedi.
     
    - Ben oui, vous
vous trompez pas. C'est pour ça que j'ai décidé d'aller faire des commissions
dans l'ouest de la ville. Ça fait presque deux mois que je suis pas sortie le
samedi. Je sens que ça va me faire du bien de prendre un peu l'air. Il est
presque dix heures. Je devrais être revenue pour trois heures.
     
    - Je suis bien
déçue de vous voir partir comme ça, dit la vieille dame. Je pensais qu'on
pourrait parler un peu aujourd'hui. Je vous ai presque pas vue depuis que je
suis arrivée.
     
    - Je serai pas
longtemps partie, belle-mère. On va avoir en masse le temps de parler ensemble
avant que Rosaire vienne vous chercher à soir. Pour dîner, vous pourrez vous
faire des patates rôties avec une tranche de jambon.
     
    Sur ces mots,
Laurette se dirigea vers le crochet auquel était suspendu son manteau bleu de
printemps et se coiffa de son chapeau un peu défraîchi. Sur un dernier "
bonjour", elle quitta l'appartement, tout heureuse d'échapper à
l'atmosphère confinée de la maison.
     
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    En posant le pied
sur le trottoir, elle se retrouva face à face avec Emma Gravel qui s'apprêtait
à monter à bord du taxi Vétéran jaune et noir conduit par son mari. Le véhicule
était stationné devant la porte et son conducteur avait déjà fait démarrer son
moteur. Il faisait beau et une petite brise tiède caressait la peau et donnait
le goût de profiter de cette belle journée.
     
    - Vous partez pas
déjà? demanda-t-elle par politesse à sa voisine.
     
    - Ben non, madame
Morin. Pas avant lundi matin. Le frère de mon mari a un truck, mais il peut pas
venir nous déménager avant lundi matin. Comme notre logement de la rue Montcalm
est déjà vide, on en profite pour le nettoyer avant d'entrer dedans. Les
enfants sont déjà là depuis sept heures à matin. Mon mari est venu me chercher
pour que j'aille leur donner un coup de main. Et vous, où est-ce que vous vous
en allez comme ça?
     
    - Faire des
commissions dans l'ouest, sur Sainte-
    Catherine. J'ai
besoin de prendre l'air - Pauvre vous! J'ai remarqué que votre belle-mère était
chez vous, dit la voisine un ton plus bas en affichant un air de compassion.
     
    Laurette n'était
pas de ces voisines encombrantes qui passaient leur temps à importuner les gens
qui vivaient près de chez elle. Cependant, dans le passé, Emma Gravel avait
reçu la visite quotidienne de sa voisine les rares fois où sa belle-mère était
venue s'installer chez elle durant quelques jours, pour " calmer ses nerfs
", lui disait-elle.
     
    La portière du
côté du conducteur finit par s'ouvrir et le long visage glabre de Charles
Gravel apparut au-dessus du toit de la Chevrolet.
     
    - Embarquez,
madame Morin, offrit-il. On peut vous laisser en chemin. D'habitude, j'ai pas
le droit de faire monter des passagers gratis dans mon taxi, mais là, je m'en
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    sacre parce que
je lâche Vétéran à soir. À partir de mardi prochain, je travaille pour LaSalle.
     
    - Madame Morin
s'en va dans l'ouest, sur Sainte-
     
    Catherine, lui
expliqua sa femme en ouvrant la portière arrière.
     
    - Je peux vous
faire faire un bout de chemin jusqu'à Montcalm, si vous voulez, offrit Charles
Gravel en reprenant place derrière son