Le retour
permission de mon père.
Bonne chance.
Moi, j'entre là, dit-il à Crevier en montrant le local occupé par les
représentants du parti libéral du comté. Salut.
Pour la troisième
fois de la semaine, Pierre Crevier entra chez Woolworth au grand déplaisir d'Antoine
Beaudry à qui il jeta un regard peu amène. Ce dernier fit comme s'il ne l'avait
pas vu et s'activa à compter le contenu de sa caisse enregistreuse. Jacqueline
Bégin, la collègue de Denise, travaillait en compagnie de Denise. À la vue du
jeune homme, elle eut un sourire complice en le reconnaissant et s'éloigna vers
un autre comptoir pour ne pas être indiscrète.
- On ferme dans
dix minutes! dit le gérant d'une voix forte, comme si cet avertissement pouvait
inciter l'unique client du magasin à sortir plus rapidement.
Pierre Crevier ne
se donna même pas la peine de tourner la tête dans sa direction.
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- As-tu besoin de
quelque chose? lui demanda Denise, en rosissant de plaisir en l'apercevant.
- Non. Je suis
juste arrêté pour voir si le bonhomme continuait à se tenir comme du monde.
- Il reste à sa
place, le rassura la jeune fille.
Il y eut un bref
silence avant que Pierre se décide à reprendre la parole.
- Bon. Je voulais
aussi te demander si ça te tenterait pas de venir aux vues avec moi à soir.
En entendant ces
paroles, le coeur de la jeune fille bondit de joie. C'était ce qu'elle
attendait depuis leur première rencontre.
- OK, si mon père
veut, accepta-t-elle immédiatement.
- T'es majeure,
non? Il me semble que t'as pas besoin de sa permission pour sortir.
- C'est vrai,
mais chez nous, c'est comme ça que ça marche.
- Remarque que je
trouve ça ben correct, s'empressa de dire le débardeur. En plus, ça va me
permettre de rencontrer ton père. Qui mène chez vous?
- Ma mère essaye
de faire croire à mon père que c'est lui qui mène, mais c'est pas sûr, expliqua
la vendeuse avec un sourire.
- Si j'ai ben
compris, je suis mieux de m'organiser pour que les deux acceptent que tu sortes
avec moi à soir.
- En plein ça.
Denise
connaissait maintenant Pierre Crevier depuis
deux semaines. Le
jeune homme n'était venu qu'une fois chez les Morin, soit la veille de la
sortie de son père du sanatorium. Après cette visite, il était devenu
étonnamment discret et un peu timide. Bien sûr, il était passé régulièrement au
magasin prendre de ses nouvelles et, en deux occasions, il l'avait raccompagnée
sur une courte distance
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après ses heures
de travail. À sa grande déception, leurs relations s'étaient arrêtées là. Il ne
semblait pas très désireux d'aller plus loin, ce qui la décevait profondément.
La semaine
précédente, Denise lui avait raconté le retour de son père à la maison après
trois années de sanatorium.
Elle avait refusé
de lui raconter la fable de la maladie cardiaque que tous les membres de la
famille avaient racontée aux curieux. Si le jeune homme avait peur de la
tuberculose ou doutait de la guérison complète de Gérard Morin, il
disparaîtrait comme Serge Dubuc, son amoureux, avait disparu. Il n'en fut pourtant
rien. Pierre Crevier n'avait pas bronché en apprenant la nouvelle.
En cette fin
d'après-midi, il attendit Denise à l'extérieur du magasin et la raccompagna
chez elle pour demander la permission à ses parents d'emmener Denise voir un
film.
À leur arrivée
devant le 2318, rue Emmett, les deux jeunes gens virent Gérard Morin en train
de discuter avec Bernard Bélanger, le voisin. Denise salua l'éboueur au moment
même où sa mère apparaissait dans l'encadrement de la porte pour inviter son
mari à souper.
Laurette reconnut
immédiatement Pierre Crevier.
- Bonjour, lui
dit-elle. Grouillez-vous. Le souper est prêt, ajouta-t-elle en rentrant dans la
maison.
Bernard Bélanger
en profita pour s'éclipser.
- Bon. Ça a tout
Pair que ma Catherine m'appelle moi aussi pour souper, s'excusa-t-il en
rentrant.
- Bonjour, p'pa,
fit Denise. Je vous présente Pierre Crevier, un ami, dit-elle en lui désignant
le jeune débardeur debout à ses côtés.
Les deux hommes
se serrèrent la main. Gérard Morin dut lever les yeux pour rencontrer le regard
de l'ami de sa fille. Il concédait au jeune homme plusieurs pouces et une
trentaine de livres. A cause de cela, Pierre Crevier lui fut immédiatement
antipathique.
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- Je suis content
de vous
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