Le retour
rencontrer, dit Pierre avec un large sourire.
- Moi aussi, dit
le père de Denise du bout des lèvres.
Bon. Tu
m'excuseras, mais il faut que j'aille souper.
- Je voulais
juste vous demander, monsieur Morin, si ça vous dérangerait que j'amène votre
fille aux vues, à soir, se dépêcha de demander le débardeur avant que Gérard
entre dans la maison.
- Il faut que tu
demandes ça à sa mère, dit Gérard en entrant dans le couloir.
Pierre Crevier
regarda Denise, passablement ébranlé par l'accueil réfrigérant de son père.
- Est-ce qu'il y
a quelque chose que j'ai pas fait correct? lui demanda-t-il à mi-voix.
- Non. Pourquoi
tu me demandes ça?
- On dirait que
ton père m'aime pas pantoute.
- Ben non. C'est
juste qu'il est surpris de te voir.
Attends-moi une
minute. Je vais demander à ma mère si on peut aller aux vues.
Denise le planta
là, sur le trottoir, devant la porte.
C'était tout un
changement après l'accueil chaleureux reçu lors de sa première visite.
À l'intérieur, la
jeune fille entra dans la cuisine de fort mauvaise humeur.
- M'man, est-ce
que je peux aller aux vues avec Pierre, à soir? demanda-t-elle à sa mère
occupée à servir le repas à Carole, Jean-Louis et son mari.
- Ben oui. Je
l'ai pas invité à souper parce que j'en ai pas assez, ajouta-t-elle.
- C'est pas
grave, m'man. Il a déjà soupe. Il venait juste pour me demander de sortir avec
lui à soir.
Toujours debout
dans l'entrée de la cuisine, Denise prit son courage à deux mains pour demander
à son père:
- P'pa, est-ce
que Pierre vous a fait quelque chose?
256
- Non, répondit
Gérard, surpris par la question de sa fille. Pourquoi tu me demandes ça?
- Il a
l'impression que vous l'aimez pas pantoute.
- Ben non. Je le
connais même pas, ajouta son père avec une mauvaise foi assez évidente.
Denise quitta la
pièce pour aller dire quelques mots à son ami avant de revenir s'attabler avec
les siens pour souper.
- Où est-ce qu'il
est parti? fit sa mère en- la voyant revenir seule dans la cuisine.
- Prendre une
marche. Il va revenir me chercher vers sept heures.
- Il aurait pu
venir prendre une tasse de café avec nous autres.
- Il est trop
tard, laissa tomber Denise, mécontente de la façon dont ses parents avaient
reçu son ami.
Pierre Crevier
revint la chercher un peu avant sept heures. Il n'eut pas à affronter son père
puisqu'elle alla à sa rencontre dès qu'elle l'aperçut.
Richard Morin
n'éprouva aucun ennui ce soir-là en collant des affiches électorales sur les
poteaux de la rue Notre-Dame. Il avait retrouvé son frère Gilles devant la
permanence au moment de quitter le local et l'avait présenté à Paul Jutras.
Gilles n'avait pas quitté son cadet durant toute la soirée et Meloche, qui les
alimentait en affiches, ne fit aucune remarque en voyant un parfait inconnu
aider l'un de ses employés.
Vers neuf heures,
les deux frères étaient revenus au local de la rue Sainte-Catherine en
compagnie de Jutras. Gilles demeura à l'extérieur pendant que les deux autres
étaient entrés pour toucher leur salaire. L'organisateur avait donné vingt
dollars à chacun, pour leurs deux soirées de travail,
257
et il avait même
eu la générosité d'ajouter un cinq dollars pour Gilles, demeuré à l'extérieur.
Ce dernier avait accepté la somme avec le plus grand plaisir.
- Avec ça, je
vais amener Nicole au parc Lafontaine demain après-midi et lui payer un tour de
canot, dit Gilles.
- Moi, je sors
pas demain, lui annonça son frère au moment où ils s'engageaient sur la rue
Emmett. J'ai dit à Jutras que j'aimais mieux attendre une semaine de plus avant
qu'il me présente sa soeur. Avec la face arrangée comme je l'ai là, je vais lui
faire peur. En tout cas, Meloche est content de nous autres. Il nous a dit
qu'il avait encore deux ou trois soirs d'ouvrage pour nous autres. C'est
toujours bon à prendre.
- C'est de valeur
que je puisse pas y aller avec vous autres la semaine prochaine, fît son frère.
Il faut que je commence à préparer mes examens.
Ce samedi soir de
juin marqua un tournant important dans la vie de Denise.
Pierre et elle
étaient entrés en amis au cinéma Papineau pour en sortir, trois heures plus
tard, amoureux. Durant la projection, le jeune homme s'était enhardi dans le
noir au point de lui prendre la main, main qu'il n'avait
Weitere Kostenlose Bücher