Le retour
pas lâchée de la
soirée. Émue, Denise n'avait pas résisté à cette grande main calleuse qui avait
emprisonné la sienne avec douceur. Elle s'était même laissée aller à appuyer sa
tête sur son épaule, heureuse de sentir sa chaleur à travers sa chemisette.
Les deux jeunes
gens avaient décidé, d'un commun accord, de revenir à pied sans se presser du
cinéma, tant ils se sentaient bien l'un en compagnie de l'autre. Quand vint le
moment de se quitter devant la porte des Morin,
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ils se donnèrent
rendez-vous le lendemain après-midi, conscients d'avoir franchi une étape
importante dans leur relation.
Au moment de se
quitter, il y eut un court instant d'embarras. Pierre Crevier hésita. Toute son
assurance habituelle semblait s'être brusquement envolée. Puis, il se décida.
Il posa une main sur la taille de Denise et l'embrassa doucement sur les lèvres
avant de lui souhaiter une bonne nuit. Il tourna les talons avant même qu'elle
ait eu le temps de réagir.
La jeune fille,
les genoux un peu tremblants, entra dans l'appartement et referma doucement la
porte d'entrée pour ne pas réveiller ses parents qui devaient dormir depuis
longtemps. Elle se trompait. Au même moment, Laurette regagna son lit sur la
pointe des pieds et se glissa, rassurée, sous les couvertures.
La mère de
famille attendait le retour de sa fille depuis plus d'une heure, dans le noir,
aux côtés de son mari qui ronflait. Quand elle avait entendu s'arrêter les
claquements de talons hauts sur le trottoir, près de la fenêtre de sa chambre,
elle s'était levée pour aller se poster derrière les persiennes fermées. Comme
elle l'avait supposé, il s'agissait bien de Denise et Pierre. Elle ne voyait
rien, mais elle avait perçu les chuchotements près de sa fenêtre. Puis, au
bruit de la clé dans la serrure, elle avait regagné son lit, maintenant
impatiente de se laisser couler dans un sommeil profond et réparateur.
Elle avait trouvé
cette journée de samedi éreintante.
Même si elle
avait pu compter sur l'aide de Carole, elle avait dû faire son lavage
hebdomadaire et le ménage de l'appartement après être allée acheter la
nourriture pour la semaine. Normalement, elle aurait dû laver le parquet de la
cuisine et du couloir et leur appliquer une bonne couche de pâte à cirer, mais
elle y avait renoncé, trop fatiguée. Elle
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s'endormit en
songeant à tout ce qu'elle aurait à faire le lendemain.
Pour sa part,
Denise s'était mise au lit sans faire de bruit pour ne pas réveiller Carole.
- Il me semblait
que c'était pas ton chum, chuchota cette dernière, moqueuse.
- Tu dormais pas,
toi? demanda Denise, mécontente de constater que l'adolescente semblait l'avoir
attendue.
- Puis? Est-ce
qu'il embrasse ben?
- Aie, la fouine!
Mêle-toi de tes affaires, fît sèchement la jeune fille en tournant le dos à sa
jeune soeur. Tu sauras qu'une fille se laisse pas embrasser le premier soir
qu'elle sort avec un gars.
- Ben oui! ben
oui! On sait ben. Sainte Denise, priez pour nous.
Le lendemain
après-midi, l'appartement s'était pratiquement vidé de ses occupants dès après
le dîner. Gérard s'était retiré sur le balcon arrière pour lire La Patrie au
moment où Jean-Louis, tiré à quatre épingles, sortait sans dire où il avait
l'intention de passer la journée. Gilles était allé chercher Nicole Frappier
pour une balade au parc Lafontaine. Richard était parti avec des copains voir
une partie des Royaux au parc De Lorimier.
- On se lancera
pas dans le reste du ménage aujourd'hui, annonça Laurette à sa fille Carole au
moment où elle rentrait dans la cuisine après avoir étendu sur la corde les
linges utilisés pour essuyer la vaisselle. On n'est pas des folles. On passera
pas notre journée enfermées entre quatre murs quand il fait aussi beau.
L'adolescente
accueillit la nouvelle avec un plaisir évident.
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- Sors-moi deux
draps et quatre taies d'oreiller, ordonna-t-elle à sa fille. Je vais changer
les lits des gars.
Les deux autres
lits ont été changés la semaine passée.
Après, tu pourras
aller rejoindre Mireille, si ça te tente.
- Je peux ben
vous donner un coup de main, m'man, proposa Carole.
- Laisse faire.
Ça va me prendre juste cinq minutes.
La jeune fille
déposa deux draps propres sur la table et quitta la maison par la porte
arrière, soudain pressée d'aller rejoindre son amie qui devait
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