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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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de l’agacer sur l’éblouissante réussite sociale de ses enfants, la réponse fusait comme un boulet. Ils en étaient dignes et qu’on le sache, il n’était pas près de cesser de chanter leurs louanges. D’ailleurs il n’était pas loin de penser qu’on pouvait encore pousser un peu plus haut son cher fils, et pendant qu’Abel passait d’une cour à l’autre par les chemins d’Italie il pressait sa fille de faire un peu plus pour son garçon. C’était si peu pour elle ! Il lui suffisait de dire au roi… Directeur des Bâtiments, c’était bien, mais Surintendant des Bâtiments, quelle allure ! Jeanne se fâchait. « Il ne faut jamais demander les choses impossibles, lui écrivait-elle, je suis sûre qu’il n’y aura jamais de Surintendance des Bâtiments, aussi n’y songeons pas. »
    Poisson soupirait. Quand Jeanne disait non, c’était non. Pour réconforter ce père attentionné et lui faire oublier ses ambitions extravagantes elle lui rappelait qu’elle s’occupait très sérieusement à marier son frère, à le bien marier. Elle comptait bien que cela serait fait avant six mois. Abel était absent ? Ses intérêts étaient en de bonnes mains. S’il était trop tôt pour le faire revenir à Paris il lui suffirait de signer le contrat dans une ambassade, et si son épouse était encore très jeune on la remettrait dans son couvent jusqu’au retour de l’époux. Ce n’était pas l’éloignement qui devait empêcher un mariage flatteur et profitable. Il fallait seulement trouver le bon parti, celui qui conforterait l’ascension du petit frère .
    En attendant la conclusion d’une alliance brillante, Jeanne franchissait par la pensée autant de lieues qu’Abel. Voyageuse immobile elle en redoutait toutes les embûches et en anticipait la gloire. Elle avait appris avec la plus grande anxiété l’accident qui avait coûté la vie à deux jésuites au passage du mont Cenis mais une lettre d’Abel à son père l’avait bientôt rassurée, les voyageurs avaient franchi les Alpes sans dommage. Bientôt elle recevait à son tour des nouvelles, une lettre plus longue et plus explicite que celle destinée seulement à rassurer un père. Le roi lui-même s’intéressait aux péripéties de ce voyage. Il n’attendait que de se pencher sur le plan du théâtre de Turin qui devait lui être remis par Tournehem, et il n’avait pas été sans apprécier l’accueil que le roi de Sardaigne et le duc de Savoie avaient réservé à Vandières. La Chétardie lui avait fait son rapport, l’invitation aux noces princières avaitcomblé le roi d’aise. Il fit savoir à Vandières par la plume de Jeanne qu’il trouvait fort bon qu’il réponde aux bontés dont on le comblait. Décidément ce petit frère avait bien des qualités. Jeanne exultait. Elle écrivit à Turin, longuement, affectueusement, et termina sa missive du 6 février 1750 avec tendresse « Je vous aime et vous embrasse, mon cher bonhomme, de tout mon cœur ». Loin de Versailles, mais tellement près de ses pensées, Abel restait le cher frérot.

Le 10 février, Vandières quitta Turin pour Milan. Le voyage fut rapide, Vandières devait arriver à Rome pour les fêtes de Pâques. Deux étapes seulement étaient prévues. La première à Parme, résidence de Dom Philippe et de Madame Infante, fille aînée de Louis XV. Vandières y ferait sa cour à l’Infante avec d’autant plus de cœur qu’il connaissait combien le roi s’était toujours langui de l’absence de la seule fille qu’il se fût résolu à marier. Ce mariage-là lui était finalement resté sur le cœur, un grand déchirement pour bien peu d’avantages. Madame Infante n’était pas gaie. Tout le monde le savait, Louis XV le premier, mais ce n’était pas Vandières qui le dirait. Dans ce pays-ci il n’y avait pas de place pour les états d’âme.
    Les voyageurs restèrent une semaine à Parme, il fallait consacrer du temps à la triste Madame Infante. Le roi y comptait. La cour étant faite, ils mirent le cap sur Modène dont la duchesse était une princesse d’Orléans. Étape nécessaire mais de simple courtoisie. Ils n’y séjourneraient que quatre jours. Cochin eut à peine le temps de sortir ses crayons, et la hâte à reprendre le voyage le désola. Le Blanc n’avait rien à commenter, il n’écrivit donc pas et s’en passa très bien. Soufflot rêvait, et c’était encore du théâtre de Turin. Abel leur faisait confiance pour

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