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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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finie pour autant. Il fallait déterminer si monsieur Greuze était reçu comme peintre d’histoire ou comme peintre de genre. Quelques amis de monsieur Greuze ont argumenté que la nature du sujet entraînait la réception de l’auteur comme peintre d’histoire. Ce n’était pas le vœu de la majorité. On a voté une deuxième fois.
    — Quelle épopée !
    — 21 fèves noires contre 9 blanches. Monsieur Greuze était agréé comme peintre de genre.
    — L’affaire s’est donc conclue au mieux.
    — Elle n’était pas encore conclue ! On a fait rentrer monsieur Greuze, mais pendant que les Académiciens apposaient les signatures sur l’acte que j’avais dressé monsieur Greuze a eu connaissance du statut qu’on lui avait attribué. Il s’est fâché, tout le monde s’en est mêlé. Quelle séance !
    — Et quel dommage ! Un peintre de si grand talent !
    — Et une aussi méchante toile.

Les affaires couraient, elles allaient leur train dans le monde étroit, replié sur lui-même, des choses de l’art, les bruits qu’on avait pu croire oubliés faisaient leur chemin à couvert, en apartés, en murmures, et resurgissaient opiniâtrement et plus sournoisement encore dans le monde de l’architecture qu’en tout autre champ d’activité. Les rivalités y étaient plus acérées, les haines déguisées plus tenaces. On ne lâchait pas facilement la proie des malveillances. Patte était en son genre un modèle de persévérance.
    La contestation à propos de Sainte-Geneviève fit à nouveau surface quelques mois plus tard en 1770, Patte ayant réussi à faire publier son mémoire à Amsterdam. Le titre frappait fort. Mémoire sur la construction de la coupole projetée pour couronner la nouvelle église de Sainte-Geneviève à Paris, où il est question de prouver que les piliers déjà exécutés et destinés à porter cette coupole n’ont point les dimensions nécessaires pour espérer d’y élever un pareil ouvrage avec solidité.
    La communauté scientifique s’enflamma pour défendre Soufflot. Paris s’amusait.
    — Tombera ? Tombera pas ?
    Sébastien Mercier qui ramassait d’autant plus les bruits qu’ils étaient pernicieux s’en fit l’écho. L’insistance des bruits autant que leur stupidité minaientSoufflot. Marigny balaya la sottise ambiante d’un esprit insouciant. La coupole de Sainte-Geneviève tiendrait et il n’entendait pas se mettre martel en tête pour des fadaises insoutenables. La meilleure nouvelle possible venait d’éclater sinon dans les Bâtiments au moins dans son intimité : la marquise de Marigny attendait un enfant.

Il y avait des annonces que Cochin portait lui-même à Marigny, au plus vite avant qu’elles soient ébruitées parce qu’elles allaient l’émouvoir, et aussi pour leurs conséquences dans « le détail des arts ». La mort de François Boucher le 30 mai1770 était de celles-ci.
    — Boucher ? Quelle perte !
    — Sa mort nous bouleverse tous.
    Il y eut un silence. L’un et l’autre, au-delà de l’estime qu’ils avaient pour le peintre, avaient une sincère amitié pour l’homme. Leur peine était vive mais elle n’empêchait en rien de prévoir les conséquences dont ils savaient déjà qu’elles seraient déplaisantes. Cochin n’éluda pas le problème.
    — Il était Premier Peintre du Roi.
    — Ah ! C’est pour cela que vous êtes venu.
    — C’est un problème qu’il faut régler avant que les esprits s’échauffent.
    — Il fut un temps où nous sommes restés sans Premier Peintre et tout le monde s’en est accommodé.
    — Parce qu’il n’y avait pas de candidat.
    — Aujourd’hui il y en a au moins un, soupira Marigny, et nous nous serions arrangés d’en avoir plusieurs.
    — Pourvu que les candidatures soient recevables.
    Cochin souriait mais le cœur n’y était pas.
    — Pierre, bien sûr, énonça Marigny à regret.
    — Son ancienneté à l’Académie plaide pour lui.
    — Ce sera donc lui.
    — Dans le passé la charge de Premier Peintre était associée au « détail des arts ».
    — Allons, Cochin, certains ont refusé ce surcroît de travail.
    — Ils aimaient peindre.
    La remarque était amère mais à son habitude Cochin avait tapé juste. Pierre sans doute aimait son art, mais il aimait peut-être un peu plus les honneurs, et il en avait été longtemps privé. Il allait revendiquer le « détail des arts » qu’il serait impossible de lui refuser. Un temps se

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