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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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l’accepta comme s’il était recevable. Le roi était toujours pris entre le Directeur des Bâtiments qui demandait des fonds et un grand argentier qui les refusait. Il suffisait de mettre les deux charges dans la main de l’abbé Terray. Le nouveau Directeur n’aurait plus qu’à se demander des fonds à lui-même et le roi ne serait plus importuné par des demandes d’argent pour les Bâtiments. Elle se garda bien de dire que l’obligeant abbé s’était engagé à ne garder la charge des Bâtiments que peu de temps pour s’en défaire rapidement aux mains des Dubarry. Terray n’avait aucune passion pour les Bâtiments, il voulait seulement écraser le frère de l’ancienne favorite pour effacer la honte d’avoir été son obligé. On continua d’asphyxier les Bâtiments, Marigny était réduit à l’impuissance. Poussé dans ses derniers retranchements, acculé à partir ou à tenir tête au roi, ce qu’il se refusait à faire par loyauté, il préféra partir. On avait bien manœuvré pour le pousser dehors. Le 27 juillet de l’année 1773, il alla trouver le roi pour se démettre de sa charge.

    Ce n’était jamais qu’une scène qui se répétait entre deux hommes qui s’estimaient et se respectaient. Ils avaient vieilli. Le roi était fatigué, trop fatigué pour lutter contre l’acharnement de la favorite et Marigny n’avait plus l’âge ni le goût de ferrailler contre tous les fauteurs de troubles qui voulaient la mort de son ministère. Le temps qui avait passé, qui les avait érodés, allait les séparer. Un temps était cette fois irrémédiablement fini, c’était celui de Jeanne, Abel en faisait partie. Un instant Marigny espéra encore que le roi une nouvelle fois refuserait sa démission. Il était pourtant parfaitement conscient qu’il n’en avait plus la force.
    Marigny s’inclina et se retira. Ils ne se reverraient plus.

    Terray prit le jour même la direction des Bâtiments. On pouvait gager sans risquer de perdre qu’il y mettrait peu d’empressement.

Marigny était maintenant dans la plus totale vacuité. Irait-il se reprendre à Ménars ? S’y retrouver ? Ou s’y perdre dans le souvenir de Jeanne ? Y pleurer l’éphémère Jeanne-Alexandrine qui aurait pu changer sa vie et la repeindre en couleurs d’espérance ? C’était trop tôt. Il était hasardeux d’évoquer le passé, il n’en était pas encore capable. L’urgence du moment était de fuir, de s’évader de sa gloire ancienne, de tenter d’en oublier jusqu’au souvenir. Cela ne pouvait se faire au repos. Alors Marigny se mit à s’agiter à en perdre le souffle. Il s’affolait dans un tourbillon insensé, il allait maintenant travailler pour lui-même, pour ses maisons qui étaient sa passion. Qu’allait-il faire ? Question oiseuse, il y avait tant à faire ! Non. Il n’y avait rien à faire. L’urgence de travaux était encore une illusion. Il n’y avait précisément aucune tâche qui l’attendît, Soufflot avait déjà tout fait au Roule comme à Ménars, il n’y avait pas d’échéance à respecter, aucune urgence qui aurait pu le tarauder.
    Que lui restait-il à administrer ? Les menus embarras du quotidien, de la broutille qu’il remuait et faisait mousser pour s’inventer des nécessités. Comment s’y occuperait-il ? Marigny courait de droite et de gauche, et c’était en vain. Il tournait en rond, il essayait de sepersuader de la nécessité et de l’importance de tâches dérisoires.
    Les Bâtiments du Roi, c’était sa vie. On lui avait pris sa vie pour la donner à Terray qui n’était même pas son rival, rien que le pion de la Du Barry pour anéantir tout souvenir de Jeanne.

Marigny gardait un œil encore sur les Bâtiments sans avoir l’air de s’y intéresser, mais comment se serait-il défait de ce qui avait été une part de lui-même ? Alors il allait aux nouvelles. Les architectes ? À sa question Soufflot haussait les épaules. Qu’importait la cohorte des académiciens de première ou de deuxième classe, qu’importait Gabriel qui avait finalement duré assez pour voir partir Marigny. Soufflot n’avait en tête que Sainte-Geneviève qui sortait de terre si lentement. Il y avait bien peu de nouvelles sur le front des Bâtiments, l’abominable Terray comptait ses deniers mais ne les distribuait jamais.

    Sur le plan de l’intimité familiale non plus rien ne changeait. En fait le mot même d’intimité ne convenait pas. Les époux Marigny

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