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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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dix pièces d’or qui lui restaient à recevoir.
    Don Juan vint jusqu’à Léonor.
    Elle le vit livide.
    Toute cette scène lui apparut comme un rêve… Elle vit Juan Tenorio s’incliner, s’incliner très bas devant elle en murmurant d’insensées paroles d’amour, puis brusquement se redresser dans un mouvement d’impulsive fureur, et elle l’entendit qui, d’une voix changée, soudain rude et violente, disait :
    – Vous voyez bien que je suis décidé à tout. Il faut me suivre. Une litière est là, à la grille de cet hôtel. Je vous emmène. Je vous emporte. Vous êtes à moi. Pas d’inutile résistance… Voyez !
    Léonor se tenait ferme et droite, toute raide. Elle était encore en pleine possession de sa lucide vaillance… Le geste ou le mot qui pouvait déclencher la terreur ne s’était encore produit. Pourtant, elle n’avait aucune arme. Pourtant, aussi, elle n’eut pas besoin que don Juan les lui signalât : distinctement, elle vit une dizaine d’hommes solidement armés, de ces êtres qu’à la tombée du soir le bourgeois apercevait avec crainte aux carrefours de la ville, de ces figures impassibles et railleuses sur lesquelles jamais ne s’indique une lueur de pitié ; ils se tenaient à distance, formant demi-cercle.
    Derrière elle, Léonor jeta un rapide coup d’œil vers la porte par où elle venait de sortir – possible retraite ; mais la porte avait été fermée et deux sinistres sacripants, la dague au poing, la gardaient, évidemment pour couper le passage à tout secours venu de l’intérieur.
    Quant à l’infortuné Jacques Aubriot, il était là, pétrifié, sa torche à la main, vraie statue de la stupeur : seules, ses lèvres semblaient vivre, – peut-être récitait-il une prière, ou bien des vers de Virgilius ou d’Horatius…
    Voilà ce que vit Léonor en ces trois ou quatre secondes qui s’écoulèrent depuis l’instant où s’enfuit Domenica, le guet-apens avait été admirablement réglé.
    Ce qu’elle ne vit pas, ce fut l’organisateur de ce guet-apens, le metteur en scène, si nous pouvons dire : il se tenait hors du cercle de lumière, derrière un arbre, le visage dans un pli du manteau.
    De là, sombre, pensif, pareil au génie du mal, Amauri de Loraydan surveillait son coup de théâtre…
     
    Et Juan Tenorio acheva :
    – Je vous aime, Léonor. Par ce qu’il y a de sacré au monde, je vous aime ! Par les puissances du ciel, je vous aime ! Par l’enfer où je vais plutôt que de renoncer à vous, je vous aime ! Ah ! je vous l’ai dit que vous connaîtriez l’amour de don Juan. Vous voyez de quoi il est capable. Vous voyez que la félonie même m’est bonne. Vous voyez que don Juan ne craint rien, pas même de se déshonorer à vos yeux, pas même votre haine. Venez, Léonor… venez de vous-même, venez sans que je vous prenne par la main, venez libre et fière, venez au bonheur, venez à l’amour…
    Il s’arrêta, la contempla un moment, s’enivra de sa beauté.
    « Ah ! folle, songeait Léonor. Ah ! misérable que je suis. Oui, bien misérable d’avoir oublié mon bon poignard ! »
    Quelques secondes passèrent. Et soudain, Juan Tenorio la vit telle qu’elle était, raidie, dans une telle attitude de mépris qu’il recula d’un pas. Puis, tout aussitôt, son front s’empourpra. Une flamme jaillit de ses yeux. Quelque chose comme une rude imprécation gronda sur ses lèvres. Sa main se leva, s’abattit sur le bras de Léonor… Le geste qu’elle attendait, le geste qu’elle redoutait, le geste qui, d’un seul coup, anéantit cette sorte de calme où elle s’était réfugiée, qui déclencha l’horreur… Elle tenta de se rejeter en arrière, elle entendit qu’on donnait l’ordre de la saisir et de l’emporter, elle entendit venir les malandrins, et dans cette mortelle minute de terreur, ce fut un aveu d’amour qui monta de son cœur à ses lèvres, car d’instinct et sans qu’elle en eût conscience, c’est à celui qu’elle aimait qu’alla son appel désespéré, et ce fut un nom qui jaillit de sa gorge, et ce nom, c’était :
    – Clother !
    Don Juan eut un sourire de défi. Loraydan ricana. Les truands haussèrent les épaules. Jacques Aubriot murmura : « Hélas ! Le sire de Ponthus est loin !… »
    Et de toute la puissance de sa foi en le seul secours possible pour elle, Léonor, d’une voix éclatante :
    – Clother ! Clother ! Clother !
    Et le sourire de don Juan se figea.

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