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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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autre, la cour de France sera heureuse de vous accueillir. J'ai besoin d'hommes comme vous dans mon gouvernement.
    — Je saurai m'en souvenir, déclara Guérin en s'inclinant une nouvelle fois, avant d'accompagner l'évêque jusqu'en la prison qui serait sienne pour une durée indéterminée.
    Philippe n'avait pas menti : il lui fallait de nouveaux conseillers, de nouveaux auxiliaires, à présent que les anciens étaient presque tous morts. Il lui fallait des hommes qu'il choisirait lui-même en fonction de leurs mérites et non de leur naissance, des hommes qui, sachant qu'ils lui devaient tout, seraient là pour le servir quand il aurait besoin d'eux au lieu d'aller se faire tuer inopportunément dans quelque tournoi. Tant qu'elles ne s'opposaient pas à lui, les grandes familles pouvaient jouir du pays, mais il n'entendait plus les laisser le commander.
    Quelques jours plus tard, une assemblée composée de tous les seigneurs et évêques de Jérusalem, ainsi que des principaux chefs de l'expédition outre-mer, prit sa décision en ce qui concernait la succession au trône : puisqu'il avait été sacré, Gui de Lusignan demeurerait roi jusqu'à sa mort mais son héritier serait Conrad de Montferrat, duquel une nouvelle lignée découlerait. Le compromis fut adopté sur la suggestion du roi de France qui, sentant la balance pencher en sa défaveur, eut la sagesse de faire machine arrière avant que ses adversaires n'eussent compris que la victoire leur était acquise s'ils s'obstinaient. Lusignan ne fut pas très satisfait du résultat, Montferrat non plus, mais ils avaient à présent tous deux une bonne raison de se battre pour Jérusalem, et aucun n'irait bouder dans sa forteresse quand l'autre bataillerait. Afin d'apaiser Conrad, son protecteur lui attribua par avance toutes les terres que pourraient prendre ses troupes durant leur séjour en Terre Sainte.
    Le plus mécontent, en fait, fut Richard : à moyen terme, il voyait s'évanouir au profit de son rival français une possibilité d'influence sur le royaume franc oriental. Et puisque Richard était mécontent, Philippe ne pouvait se défendre d'une joie que ne justifiait pas le modus vivendi. Il résolut de surveiller en lui l'apparition de ce sentiment aussi agréable que nuisible : s'il entrait dans le jeu du Plantagenêt, il en viendrait à commettre des imprudences pour le simple plaisir de frustrer son rival.
    Le jour même de la proclamation, il retomba malade. Une simple fièvre, cette fois, qu'il élimina sans mal dès qu'elle retomba assez pour qu'il songeât à se soigner, mais qui le replongea un temps dans les affres des cauchemars et du délire. Oubliant qu'il s'était remis et que, depuis, il avait pris une ville, il se croyait à nouveau en train de se débattre contre la léonardie ou empoisonné, ou les deux. Son vieil ennemi décharné revenait le tourmenter, lui ouvrait le crâne de sa faux, le fouillait à la recherche d'une âme qu'il entraînait parfois jusqu'aux Enfers – et que, parfois, il ne trouvait pas, ce qui était peut-être encore plus terrifiant.
    Cette obsession de sa mort imminente, inéluctable, ne quitta pas Philippe avec la fièvre. En proie à une terreur abjecte qui le faisait frissonner dans sa chambre torride, au milieu de ses draps trempés de sueur, il convoqua ses proches sitôt qu'il fut en état de s'exprimer et les informa de sa décision.
    — Comment, sire, vous en aller ? se récria l'évêque de Beauvais. Alors que notre vœu de délivrer la ville sainte n'est pas encore accompli ? Ce serait votre âme que vous joueriez.
    Le roi écarta l'objection d'un geste las, se retenant de dire que son âme ou le néant qui lui en tenait lieu serait bien plus en danger s'il demeurait.
    — Je sens qu'ici, je ne tarderai pas à mourir, déclara-t-il plutôt. Saladin ou Richard trouveront un moyen de m'éliminer si le mal s'en révèle incapable. Et je ne puis mourir sans avoir mis en ordre les affaires du royaume pour mon successeur.
    Le prélat échangea un coup d’œil consterné avec son frère Robert et le duc de Bourgogne. Les affaires du royaume, Philippe les avait mises en ordre avant son départ, précisément au cas où il ne reviendrait pas. Ce n'était pas cela qui le motivait à présent : c'était la peur, pure et simple. Le voir ainsi tremblant, hagard, l'œil exorbité et injecté de sang, inspirait à ses vassaux un détestable mélange de honte et de pitié. Comment cet homme, qu'on

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