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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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n'aurait pu le faire la masse d'armes à la main. Ce que je ne comprends pas, toutefois… (Il regarda bien en face l'Hospitalier, lequel contempla sans frémir son visage ravagé.) Pourquoi être venu ici ce soir ? N'eût-il pas été plus facile de demeurer caché, si vous n'attendez réellement aucune reconnaissance ?
    — Plus facile, sire ? Alors que j'ai l'air d'un Sarrazin et que l'armée du Christ tient la ville ? J'aurais été pris tôt ou tard. Je le savais à tel point que j'ai bien failli me rendre avec la garnison, tout à l'heure, mais en définitive, j'ai préféré vous demander personnellement de me faire emprisonner. (Devant l'incompréhension de ses interlocuteurs, le visiteur enchaîna :) Si les captifs sont libérés un jour, je le serai avec eux et je poursuivrai la mission que je me suis fixée. Si jamais on ne réussit pas à s'entendre, en revanche, s'ils sont exécutés, je tiens à ce qu'on sache dans quel cachot je me trouve : il me serait odieux d'être occis par un Chrétien croyant décapiter un de ces maudits Infidèles.
    — Et vous préférez les geôles françaises aux anglaises, compléta Philippe en hochant la tête.
    — Ma foi, sire, je suis de France. Quant aux geôles, je n'ai pas de préférence, mais puisqu'il me faut m'entendre avec un souverain, il me plaît que ce soit le mien.
    — Vous vous chargerez de cela, mon cousin, ordonna le roi à l'évêque. Veillez à ce que le frère Guérin soit enfermé selon son vœu. Ayez soin de garder en mémoire l'emplacement de ses chaînes, mais que personne d'autre ne soit mis dans la confidence.
    — Décidément, pas de festin pour vous, messire Guérin, commenta le prélat, bon enfant. Si nous nous revoyons un jour en des circonstances plus favorables, je m'engage à réparer l'outrage qui vous est fait ce soir en vous offrant le meilleur souper de toute votre existence.
    Philippe tendit la main à l'Hospitalier, qui la baisa avec respect.
    — Vous me pardonnerez de ne pas rester plus longtemps en votre compagnie, mais j'ai encore bien des choses à régler, ce soir. (Il s'adressa à son cousin.) Montferrat est là ?
    — Il me semble l'avoir vu, oui.
    — Je dois lui parler : la question de la succession devient pressante. Les Lusignan vont tout faire pour influencer les nobles de Jérusalem, et nous devons être prêts à leur répondre. (Poussant un long soupir, il se retourna vers Guérin.) Vous ne connaissiez pas votre chance, à Acre : vous n'aviez à vous préoccuper que de vos ennemis. Moi, je me débats contre les machinations de mes propres amis.
    — Le problème est ardu, admit l'Hospitalier. J'ai souvent entendu les chefs de la garnison en discuter. Évidemment, ils espéraient la victoire de Lusignan. Ils disaient que Saladin, en le libérant, après Hattin, aurait déclaré savoir ce roi-là incapable et n'en pas vouloir d'autre pour le remplacer.
    — J'éprouverais le même sentiment à sa place, avoua Philippe. Ce n'est heureusement pas à lui qu'on demandera de trancher la question. À l'heure qu'il est, Montferrat est le seul homme capable de conserver le royaume de Jérusalem une fois que nous l'aurons repris. Je n'imagine pas que les barons et les évêques puissent choisir Lusignan, même s'il a l'appui de Richard.
    — S'ils semblaient pourtant devoir le faire, sire, je… Guérin s'interrompit, hésitant.
    — Parlez ! l'encouragea le roi. Quoi que vous puissiez dire, je ne me fâcherai pas contre vous.
    — Eh bien, j'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir, durant le siège, notamment à cette affaire de succession. Il me semble qu'il existe un moyen de contenter tous les partis.
    Le religieux exposa son idée. Lorsqu'il eut terminé, Philippe le contemplait avec intérêt en se caressant le menton.
    — C'est plutôt, ce me semble, un moyen de mécontenter tous les partis, commenta-t-il. Et le proche avenir ne serait pas assuré pour autant. Cependant, le plan ne manque pas d'une certaine astuce : s'il est impossible d'obtenir mieux, c'est un compromis que je défendrai. Auriez-vous donc aussi des qualités d'homme d'État, frère Guérin ?
    L'Hospitalier s'inclina, humble mais sans obséquiosité.
    — Je n'ai d'autres qualités que celles qu'il plaît à mon maître Jésus Christ de m'accorder.
    — Servez-le de votre mieux, avec ma bénédiction, en ce cas. Mais s'il s'avère qu'un jour, ce maître-là n'a plus besoin de vos services et qu'il vous sied d'en prendre un

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