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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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roi Amaury de Jérusalem (Elle en était l'héritière.),
que le marquis s'était débrouillé pour épouser, et ainsi
Henri acquit le contrôle de tout le pays, comme tous les rois de
Jérusalem l'avait possédé, à charge pour les Chrétiens de le reconquérir.
    Raoul de Diceto, Images de l'Histoir e

2
    Plus que la crainte du roi Philippe, c'était celle de son frère Jean qui avait précipité le retour de Richard en Europe. Lors de son départ, il avait confié les rênes du pouvoir à sa mère, Aliénor, et à son chancelier Guillaume Longchamp, évêque d'Ely, lequel possédait l'appui du pape dont il était légat. Longchamp, hautain, avare, n'avait pas su se faire aimer des seigneurs anglais. À la première occasion, celui qu'on appelait toujours Jean sans Terre, bien qu'il fût désormais comte de Mortain, avait pris les armes contre lui. La mort du pape Clément, survenue à la même époque, avait mis fin à la légation du chancelier qui, privé d'une moitié de son autorité, n'avait pu que transiger avec son adversaire et reconnaître en lui l'héritier légitime du roi si ce dernier trouvait la mort outre-mer.
    Dans cette éventualité, il existait en effet un autre prétendant au trône d'Angleterre : Arthur de Bretagne, fils de Constance et de Geoffroy Plantagenêt – que Richard avait provisoirement choisi comme successeur car, trop jeune, il ne présentait pas de danger immédiat. On soupçonnait cependant Longchamp de s'être entendu avec ses tuteurs.
    Malgré cette trêve et le soutien d'Aliénor au chancelier, le mécontentement grandissant avait conduit à la destitution de ce dernier. Jean escomptait alors se voir nommer régent. Gautier, archevêque de Rouen, dépêché par Richard avec ordre de prendre le pouvoir en cas de besoin, l'avait frustré de cette ambition.
    C'était alors que la reine mère avait commencé d'écrire à son fils préféré des lettres le suppliant de rentrer au plus tôt. Son cadet, elle le craignait, ne s'en tiendrait pas là.
    Le roi d'Angleterre, après avoir bâclé sa trêve avec Saladin, s'était donc embarqué à Chypre en octobre. Craignant l'hostilité du comte de Toulouse, dont il lui eût fallu traverser les terres s'il se présentait à Marseille, il avait choisi de prendre une autre route qui l'avait mené en Sclavonie, chez un vassal de Léopold d'Autriche – le même Léopold dont il avait jeté rageusement la bannière au bas des murs d'Acre.
    Reconnu, poursuivi, Richard était allé se jeter tout droit dans les bras de son vieil ennemi, auquel il avait dû rendre son épée.
    Le duc l'avait gardé quelque temps en captivité dans une forteresse, ne manquant pas de l'y venir narguer chaque jour afin de savourer sa vengeance, puis il l'avait littéralement vendu à l'empereur, Henri VI, comme il l'eût fait d'une marchandise.
    Henri, fils de Frédéric Barberousse, était enchanté de son acquisition. Il combattait au sein même de son empire les ambitions du duc de Saxe, beau-frère de Richard. En outre, il estimait avoir été frustré de ses droits sur le royaume de Sicile par l'alliance entre le Plantagenêt et le roi Tancrède. Il espérait, grâce à une rançon, soutenir son effort de guerre aux dépens de l'homme qu'il rendait responsable de tous ses maux.
    La nouvelle, en février, toucha la France et l'Angleterre – à point nommé pour fournir à Philippe un dérivatif dont il avait cruellement besoin.
    Ses nerfs ne s'étaient toujours pas remis du choc subi à la fin de l'année. Quand ses craintes n'étaient qu'irrationnelles, il avait trouvé la force de les ignorer, mais elles possédaient à présent un fondement palpable. Il avait beau vouloir les chasser, s'immerger dans le travail, elles ne le laissaient jamais tranquille bien longtemps. La nuit, tant de cauchemars le hantaient qu'il finissait par redouter le moment de s'endormir, par le retarder encore et encore, si bien que l'aube le trouvait chaque jour un peu plus las, un peu plus hagard, un peu plus agité. Quatre gardes l'escortaient en permanence, deux d'entre eux le veillaient jusque dans sa chambre à coucher, et lui ne se séparait jamais de sa masse d'armes, y compris au lit. Souvent, on le trouvait en train d'en ronger le manche à se déchausser les dents, le regard vide ou halluciné.
    Durant quelque deux mois, ombre de lui-même, il n'avait pris aucune décision importante, mis en branle aucun projet : son obsession morbide l'absorbait tout entier,

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