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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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sur une jambe, bouche bée, les yeux écarquillés. Il tournait la tête de droite et de gauche pour chercher qui appeler à l'aide quand Philippe lui ouvrit les bras et le salua avec chaleur. Sa peur irraisonnée s'apaisa aussitôt, mais il en conserva assez le souvenir pour rester mal à l'aise durant une partie de son séjour.
    Il existait de telles différences entre les Plantagenêts de cette génération-là qu'on pouvait se demander si la reine Aliénor n'avait pas conçu certains de ses garçons avec quelque amant demeuré secret. Les deux premiers tenaient à l'évidence d'Henri II, mais les deux autres n'évoquaient en rien le vieux lion angevin. Jean, en particulier, brun, de petite taille, et si timide qu'on l'appelait Cœur de Poupée depuis que son frère était Cœur de Lion, n'avait hérité de la lignée paternelle que l'ambition et la cyclothymie. Pour qu'il se redressât de toute sa hauteur, il fallut que le roi, à l'orée de leurs tractations, l'appelât « sire », comme par erreur. Jean sans Terre avait toujours voulu régner ; le persuader qu'il régnait déjà n'était guère ardu.
    Mais tu ne règnes pas encore, se dit Philippe en voyant son invité se rengorger. Pas encore et peut-être jamais.
    Le beau roi, cependant, que c'eût été pour l'Angleterre ! De celui-là, on eût fait tout ce qu'on eût voulu.
    Dès lors, on le traita en souverain. Jean avait besoin d'argent ? On lui consentait un prêt de six mille marcs. Jean était marié à une héritière de second rang ? On lui proposait la sœur du roi de France, avec la terre d'Artois.
    Il accepta le prêt et l'épouse, promettant de procéder aussi vite que possible à la répudiation de celle qui l'encombrait. Comme s'il avait d'ores et déjà été roi d'Angleterre, il prêta l'hommage pour ses terres continentales et acheta en outre l'appui de Philippe en lui donnant la permission implicite d'annexer plusieurs fiefs qu'il convoitait. Ensuite, convaincu d'avoir assuré la couronne sur sa tête, il s'en fut joyeux parcourir la Normandie, annoncer que son frère ne reviendrait jamais de captivité et qu'il en assurait la succession.
    Le Capétien ne perdit pas de temps. Soupçonnant, lui, que Richard ne resterait pas éternellement en Germanie, il voulait en exploiter le plus possible l'absence, aussi trouva-t-il la force de surmonter ses craintes pour mener une campagne militaire. Le douzième jour d'avril, sans avoir à livrer bataille, il reprit enfin possession de Gisors que lui livra un sénéchal impressionnable. Peu désireux de s'arrêter en si bon chemin, il proclama sa suprématie sur la totalité du Vexin, dont certains seigneurs ne se firent pas prier pour le reconnaître comme suzerain. D'autres durent être convaincus avec plus de fermeté.
    Sur le champ de bataille, Philippe retrouvait tout son allant, tout son courage. Cuirassé des pieds à la tête, tirant à l'arbalète derrière un mantelet ou chargeant sur son destrier, il était trop obnubilé par les profits de la victoire pour songer qu'une flèche ou un fer de lance bien placés pouvaient mettre un terme à son existence aussi sûrement que le poignard d'un assassin. Chaque soir, sous sa tente, il s'effondrait, se mettait à trembler si d'aventure aucun de ses massiers ne se trouvait dans son champ de vision. Chaque nuit, il gémissait sous les assauts de visions atroces, il se réveillait en hurlant. Mais chaque matin, il enfilait son haubert, montait à cheval et partait à la tête de ses troupes. Ceux qui avaient perdu le respect qu'ils lui devaient le regagnèrent alors.
    Le printemps et l'été furent par ailleurs catastrophiques pour le royaume : comme si Dieu en personne s'était offusqué de la captivité de Richard et des actions de ses ennemis, la nature se déchaîna : pluie, vent et grêle s'abattirent sans discontinuer, provoquant des inondations meurtrières, ruinant les récoltes, réduisant le peuple à la disette. Ces tourments que les esprits simples assimilaient aux plaies d'Égypte faisaient écho aux suppliques qu'un pape sollicité par Aliénor adressait à l'Empereur pour qu'il libérât son captif. Léopold d'Autriche avait d'ores et déjà été excommunié, Philippe menacé d'Interdit s'il continuait d'envahir les terres du Cœur de Lion, mais Célestin III n'osait pas s'en prendre directement à l'Empire.
    Henri VI, quant à lui, ne dévoilait pas ses batteries. Sachant qu'il ne pourrait conserver son captif très

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