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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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auprès du roi Knut – lequel l'estimait et en appelait souvent à son conseil. Nul Français ne connaissait donc mieux que lui la cour danoise.
    — La princesse à laquelle je songe est la deuxième sœur du roi, déclara-t-il lorsque Philippe l'eut prié de s'asseoir et de faire son rapport. C'est une jeune fille en tout point digne d'éloges, aussi belle que pieuse.
    — Quel âge a-t-elle ? s'enquit son interlocuteur. Va-t-on encore me faire épouser une enfant qu'il me faudra déflorer dès qu'elle sera nubile pour assurer ma lignée ?
    Guillaume d'Aebelholt sourit.
    — Rassurez-vous, sire : elle est, à dix-neuf ans, on ne peut plus nubile. Je crois que son visage et sa silhouette auront tout lieu de vous séduire.
    — Et comment se nomme cette perle ?
    — Ingeborg, sire.
    — Ingeborg… répéta Philippe avec difficulté. Voilà ma foi un nom barbare que les Français auront bien de la peine à prononcer.
    — Ce qui compte chez une épouse n'est pas le nom mais la piété, intervint le frère Bernard, solennel, que les qualités de la princesse poussaient à défendre le projet.
    — Nous veillerons à lui en trouver un autre, plus agréable aux oreilles de vos sujets, assura Guillaume aux Blanches Mains. Pour le reste, cette jeune fille semble sage et fort à même de porter des enfants vigoureux. Ajoutez cela aux avantages évidents d'une alliance avec son frère et vous conviendrez qu'elle constitue pour vous la fiancée idéale.
    — Mais Knut consentira-t-il à la dot que je lui demande ? s'interrogea le roi. La cession de ses droits sur l'Angleterre et la jouissance de sa flotte durant un an.
    — Il ne saurait résister à l'honneur d'unir sa sœur au roi de France, assura l'archevêque de Reims. De plus, ses rapports avec l'empereur se sont détériorés : il se réjouira de gagner un allié capable en cas de besoin d'arbitrer la querelle au mieux de ses intérêts.
    Philippe, hochant la tête, se tourna vers Guillaume d'Aebelholt.
    — Très bien, messire abbé, dit-il. Vous allez sur-le-champ retourner au Danemark. Pour vous seconder, je vous adjoins monseigneur Étienne de Noyon. (Ce dernier, fils du chambellan Gautier, devait sa charge au roi de France et le servait fidèlement.) Vous représenterez à Knut tous les bénéfices qu'il retirerait d'une union avec ma maison, et vous lui demanderez officiellement la main de sa sœur en mon nom. N'épargnez pas votre éloquence : je désire que ce mariage soit conclu au plus tôt.
    L'abbé hocha la tête en souriant : qu'on lui fasse confiance ; il n'échouerait pas.
    Philippe, ce soir-là, s'endormit pour la première fois depuis fort longtemps en songeant à autre chose qu'aux assassins lancés contre lui. Depuis son retour de Terre Sainte, y compris avant le renouvellement de ses angoisses, il n'avait eu que peu de femmes dans sa couche car, hormis Ide de Boulogne, même celles qui s'étaient forcées à le regarder sans dégoût n'avaient pu masquer ce qu'il leur en coûtait. Une ou deux s'étaient pliées à ses désirs, ceux du roi plus que ceux de l'amant, et il s'était vite lassé de ces étreintes sans joie ni passion, lui que n'attiraient ni le viol ni les prostituées.
    Qu'en serait-il de cette fille du nord dont il avait déjà oublié le nom imprononçable ? Les Danois, s'ils s'étaient assagis depuis leur conversion au Christianisme, demeuraient de rudes guerriers qu'on imaginait volontiers burinés, couturés de cicatrices. À la cour de son frère, la princesse avait dû voir plus d'une gueule cassée. Mais supporterait-elle celle de son époux ? Se livrerait-elle par désir autant que pour accomplir le devoir conjugal ?
    Philippe en doutait, arrivé à la conclusion que l'amour n'était plus pour lui – et bien content de l'avoir connu une fois. Isabelle, si elle avait vécu, ne se fût pas détachée de lui pour une simple question de beauté, mais il ne susciterait à présent que la soumission d'une épouse ou la curiosité semi malsaine d'une maîtresse d'un soir, pas l'amour. À présent, il ne lui restait plus que la raison d'État.
    Deux jours plus tard, Jean sans Terre arrivait à Paris, Philippe tint à l'accueillir dans la cour du palais de la Cité.
    Le prince, lorsqu'il vit s'avancer ce grand diable borgne, la masse au côté, que serraient de près quatre soldats pareillement armés, crut à un attentat contre sa personne. Il se figea alors même qu'il descendait de voiture, en équilibre

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