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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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ne se sacrifierait pas pour elle. Elles étaient semblables, d'une certaine manière. Et elles aimaient le même homme.
    En prenant la main tendue, Agnès la trouva glacée. D'un coup, elle réalisa qu'on était en janvier et que sa compagne, à peine couverte, frissonnait de tous ses membres. Elle poussa un soupir, se contraignit à sourire.
    — Enlevez ça et venez sous la couette, dit-elle. Vous allez attraper la mort.
    Isambour éclata de rire.
    — Je n'attraperai rien du tout, du moins pas de cette manière, mais ça ne m'empêche pas d'avoir froid.
    Elle fit vivement passer sa robe par-dessus sa tête. Agnès découvrit un corps un peu maigre mais plus jeune et plus ferme que le sien, éprouvé par deux grossesses. Quand la Danoise se glissa auprès d'elle, elle l'entoura de ses bras pour la réchauffer, en grande sœur.
    — Je dois rêver, pouffa-t-elle. Je devrais être en train de te tordre le cou.
    — Et moi de t'arracher les yeux, renvoya Isambour sur le même ton. Rêvons encore un peu. C'est bon de rêver.
    Agnès se demanda ce qui arriverait si Philippe entrait à cet instant. Elle fit la moue : elle ne le savait que trop. Sa nouvelle amie et elle redeviendraient aussitôt les pires ennemies et l'épouse légitime serait une fois de plus chassée par la concubine, renvoyée au froid de sa cellule. Il valait mieux que Philippe n'entrât pas.
    Elles demeurèrent ainsi, l'une contre l'autre, à causer doucement, jusqu'à ce que Vêpres sonnent aux clochers de Paris. Isambour, en entendant les cloches, se redressa sur son séant, affolée.
    — Je dois rentrer avant qu'on ne s'aperçoive de mon absence, s'exclama-t-elle. (Elle embrassa Agnès sur les deux joues.) Je te souhaite bonne chance.
    — Moi aussi, répondit sa compagne – et toutes les deux étaient sincères. Si… (Elle hésita.) Philippe ne m'autorisera jamais à te rendre visite, mais si tu as encore envie de parler, un jour, tu peux revenir.
    La Danoise haussa les épaules, incertaine, puis elle se leva et marcha d'un pas décidé vers le mur le plus proche, dans lequel elle pénétra sans se retourner. Agnès, bien qu'elle s'y attendît, en demeura bouche bée. C'était un peu la confirmation que tout ce qui avait précédé n'avait pas été qu'un rêve.
    Elle garderait pour elle son entretien avec Isambour. Si elle en plaidait la cause, elle se sentait capable d'amener Philippe à la revoir. S'il la revoyait, il s'apercevrait que c'était une jeune femme remarquable, tout à fait digne d'être honorée, d'être aimée – et il pourrait bien cesser de se battre aussi ardemment pour la conserver, elle, sans même s'en rendre compte. Non, elle ne dirait rien.
    Parvenue à ce point de ses réflexions, elle rejeta la couette et appela ses femmes. Elle allait se faire habiller et tenter d'entendre une messe pendant que c'était encore possible.
     
    Agnès assista à sa messe, mais cette dernière fut célébrée au palais par Guillaume le Breton, le chapelain du roi. L'évêque de Paris, Eudes de Sully, qui officiait à Notre-Dame, avait d'ores et déjà mis l'Interdit en application.
    Il devait s'en repentir, d'autant plus qu'il était le cousin du roi. Chassé de son diocèse, dépouillé de ses biens, y compris ses chevaux, il dut s'exiler à pied.
    C'était le début d'une vaste campagne. Philippe, fidèle à la politique de son père, avait toujours protégé les libertés ecclésiastiques, si bien que les évêques le tenaient en haute estime. Rares furent ceux qui osèrent appliquer la sentence papale, mais ceux-là subirent le sort de leur frère de Paris. Il en alla de même des curés qui suivirent les ordres du chef de l’Église, ce qui ajouta au mécontentement populaire : en plus de violer la loi divine, le roi persécutait les serviteurs du Tout-Puissant ; maudite était la contrée qui l'avait pour maître.
    Ne pouvant braver éternellement la volonté papale, il envoya une nouvelle ambassade à Jean sans Terre et, cette fois, les négociateurs parvinrent à un accord. En mai, les deux monarques se rencontrèrent au Goulet et signèrent un traité nullement défavorable à la France. Certes, Philippe reconnaissait Jean comme le successeur de Richard pour la Normandie, l'Anjou et l'Aquitaine. De surcroît, abandonnant la cause d'Arthur, il renonçait à tout droit sur la Bretagne, que le jeune duc tiendrait directement de son oncle. Jean, toutefois, payait en contrepartie de cette cession la somme considérable

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