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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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personne, qu'il avait convaincu de s'entretenir un moment avec elle.
    Philippe n'appréhendait plus de se trouver en présence d'Isambour. S'il n'eût toujours pu lui rendre le devoir conjugal, ni même la tolérer dans son entourage, il se sentait parfaitement capable de la côtoyer quelques minutes ou quelques heures sans céder aux crises de tremblements qui le saisissaient autrefois.
    Quand il pénétra dans la pièce où l'attendait la Danoise, voisine de la grand-salle accueillant légat et évêques, il n'en éprouva pas moins un frisson déplaisant et sentit ses tics s'intensifier. Il se contraignit à respirer lentement, profondément.
    — Bonjour, sire, dit Isambour en s'agenouillant devant lui.
    Il s'immobilisa à quatre pas d'elle, peu désireux, en dépit de ses bonnes résolutions, de l'approcher. À son entrée, elle avait baissé la tête, mais elle le regardait à présent bien en face, de ces grands yeux bleus qui savaient devenir plus bleus encore. Evoquer le phénomène fit passer en Philippe un nouveau frisson et lui donna la chair de poule.
    — Relevez-vous, dit-il enfin. Je ne sais si nous avons beaucoup de choses à nous dire, mais si tel est le cas, disons-les vite : je n'ai guère de temps à vous consacrer.
    — Après des années sans vous voir, tout instant passé auprès de vous m'est précieux, assura la jeune femme en se redressant. Vous rendez-vous compte que c'est la première fois que nous pouvons réellement nous parler ? Si j'avais entendu le français, autrefois, peut-être les choses se seraient-elles déroulées autrement.
    — Vous savez bien que non ! répliqua-t-il.
    — Pourquoi ? feignit-elle de s'étonner. Oh, oui, bien sûr : parce que je suis un démon…
    Le coin des lèvres de Philippe se releva et s'abaissa sèchement à deux reprises.
    — Vous ignoriez ce que vous étiez, cette nuit-là, n'est-ce pas ? interrogea-t-il. Vous l'avez découvert depuis ?
    Elle acquiesça.
    — J'ai été échangée à la naissance avec la véritable Ingeborg. Jusqu'à notre nuit de noces, je n'ai rien soupçonné.
    — Et comment avez-vous compris ?
    Isambour tiqua : s'il l'ignorait, c'était qu'Agnès ne l'avait pas informé de leur entretien. Il ne savait donc pas qu'elle connaissait aussi ses origines à lui. Etait-ce un avantage ? Dans le doute, elle choisit de ne pas le détromper.
    — Des êtres de ma race m'ont prise en pitié et sont venus me trouver dans ma première prison, répondit-elle sans plus de précisions.
    — C'est vous que j'ai vue à Gisors, n'est-ce pas ?
    — Oui. Je vous savais en campagne, j'étais inquiète… Si vous n'aviez pas… (Elle s'interrompit, sur le point de trop en dire.) Si vous n'aviez pas attrapé la corde qu'on vous lançait, j'aurais tenté de vous tirer de l'eau moi-même.
    Philippe haussa les épaules, dédaigneux, puis considéra sa compagne avec attention et crut comprendre qu'elle ne mentait pas.
    — Écoutez, Isambour, dit-il, s'obligeant au calme. Il serait trop long de vous expliquer pourquoi, et je n'en ai par ailleurs nul désir, mais je ne pourrai jamais faire mon épouse d'une femme de votre race. Cela n'a rien à voir avec vous en tant que personne. Je… j'éprouve un dégoût profond des vôtres. Il me serait impossible de vous toucher.
    — Mais vous m'avez touchée, pourtant, sire, cette nuit-là, objecta-t-elle.
    — À ce moment-là, je ne savais pas.
    — N'est-ce pas la preuve que votre dégoût n'est ni instinctif ni naturel ? Vous pourriez le surmonter, si vous essayiez vraiment, j'en suis convaincue.
    Le roi poussa un long soupir.
    — Je ne suis pas venu ici pour raisonner, déclara-t-il, irrité. Le pape m'oblige à vous traiter en reine, mais ne vous attendez pas à ce que je vous traite en épouse. Dans sept mois, je compte bien que le tribunal ecclésiastique me débarrassera de vous à jamais. Ne pourriez-vous nous épargner à tous des tourments inutiles et vous soumettre dès maintenant à ma volonté ?
    Isambour secoua la tête.
    — J'aimerais vous complaire, sire, mais c'est impossible.
    — Pourquoi, au nom du ciel ? Jamais je ne quitterai Agnès pour vous. Que pouvez-vous bien espérer ? La détestez-vous au point qu'il vous faille la torturer ?
    — Je ne la déteste pas. Je l'aime, au contraire. Je l'aime beaucoup.
    Philippe lui jeta un regard abasourdi.
    — Décidément, vous êtes folle, commenta-t-il, méchant.
    — Je suis peut-être folle, mais je suis aussi

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