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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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jours suivants, d'autant que l'éloquent avocat semblait s'être évanoui, mais il estimait ses chances bien minces. En outre, s'il réussissait, la Danoise n'aurait plus rien à perdre : ne se livrerait-elle pas à une confession désespérée ?
    Le soir même, à la nuit tombée, accompagné d'une petite escorte, il se présenta à l'abbaye Notre Dame où résidait provisoirement son épouse et se fit introduire par les nonnes dans la chambre qu'elle occupait. Il la trouva au lit, les yeux déjà ensommeillés, clignant des paupières sous la lueur de la chandelle qu'il tenait en main.
    — Ne vous fatiguez pas à mentir, la prévint-il dès l'abord, d'une humeur massacrante. Je l'ai reconnu et je sais que vous savez ! Mais de quoi se mêle-t-il, par tous les saints ?
    Isambour, en ne lui demandant pas de qui il parlait, confirma ses hypothèses.
    — Je pense qu'il m'aime bien, dit-elle. Il me trouve stupide de croire en Dieu mais il m'aime bien.
    — C'est lui qui vous pousse à me résister. J'aurais dû m'en douter.
    Elle eut un petit rire clair.
    — Oh, non ! Vous ne rabaisserez pas ainsi mes mérites. Lui m'a laissée libre de choisir mon destin. À présent que je l'ai choisi, il me vient en aide, voilà tout, mais je doute que nous le revoyions : il a déjà fait beaucoup et c'est un homme très occupé.
    — Ce n'est pas un homme ! trancha Philippe.
    — Comme il vous plaira. Les mots ne sont que des mots. C'est en tout cas un noble cœur. Cela dit, pour lui, je suis une sorte d'expérience. (Elle marqua une pause.) Vous aussi, peut-être, d'ailleurs. Songez que si nous régnions ensemble sur la France, ce serait presque mon peuple qui régnerait, puisqu'il est aussi, en partie, le vôtre.
    — Je vous saurai gré de ne pas me le rappeler, gronda-t-il. Quant à régner, je vous avertis de n'y point songer. Habillez-vous et suivez-moi : ce procès oiseux n'a que trop duré ; j'ai décidé d'y mettre un terme.
    Isambour, intriguée, choisit d'obéir sans poser de question. Alors que le roi se détournait pour sortir, elle repoussa ses couvertures et s'assit au bord du lit. Il eut le réflexe adolescent de lorgner du coin de l'œil le corps nu qui venait d'apparaître, guère changé par les années. Avant d'avoir pu s'étonner de cette impulsion, il eut un second réflexe, encore plus inconscient et encore plus surprenant – au-dessous de la ceinture.
    Ce fut fort troublé qu'il alla attendre Isambour dans la cour de l'abbaye.
    Dès qu'elle fut prête, il la fit monter en croupe derrière lui et l'enleva sans autre forme de procès, à la grande indignation de la mère abbesse.
    Le lendemain matin, un messager du roi se présentait devant le tribunal ecclésiastique. Philippe se déclarait las des disputes de clercs et affirmait reprendre Isambour de Danemark comme légitime épouse pour ne plus jamais se séparer d'elle.
    Les nobles juges en demeurèrent interloqués, impuissants : leur assemblée n'avait plus d'objet, puisque le roi reconnaissait la validité de son mariage.
    La position du Capétien, cependant, n'avait pas changé. Agnès, enceinte pour la troisième fois, resterait à Poissy jusqu'à être en état de voyager : d'ici-là, il espérait bien qu'on ne songerait plus à lui demander de la renvoyer. Quant à Isambour, quoiqu'il lui eût offert une chevauchée nocturne digne des romans courtois, elle avait vu ses espoirs déçus : le trajet au clair de lune s'était achevé sous les murailles d'une sinistre forteresse, celle d’Étampes, où elle avait été enfermée.
    Philippe, donc, continuait envers et contre tout de braver le pape. Il s'était cependant gardé d'une excommunication instantanée : puisque les juges n'avaient pas statué, il ne leur désobéissait pas. Ce n'était certes qu'un moyen supplémentaire de gagner du temps, mais il ne pouvait faire mieux.
    — Ce que je crains, plus que les foudres de l’Église, confia-t-il à Agnès peu après, c'est Isambour elle-même. Si elle décide de révéler ce qu'elle sait au pape…
    — Il ne se passera rien du tout, compléta la jeune femme. Elle pourra prouver qu'elle n'est pas humaine, en aucun cas que toi, tu ne l'es pas. Il te suffira de lui rire au nez.
    Elle déposa un baiser sur le front de Philippe, penché au-dessus de sa couche. Enceinte de près de six mois, elle avait le ventre particulièrement proéminent et on lui interdisait de se déplacer par crainte que le bébé vînt avant

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