Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
Vom Netzwerk:
ne faisait pour l'heure qu'écouter les propositions sans s'engager, mais il ne s'en offusquait pas. Les leçons de sa dernière rébellion commençaient à s'effacer ; le naturel reprenait le dessus.
    Voulant croire qu'il s'agissait d'une faiblesse passagère, Philippe se contenta d'un message d'avertissement à Renaud et à d'autres seigneurs du Nord dans la même situation. Afin de mieux contrôler son instable ami, il avança la date prévue pour le mariage entre leurs enfants, qui fut célébré au printemps de l'année suivante.
    Renaud, cependant, mécontent d'avoir dû céder des terres à son gendre, irrité de se sentir surveillé, suspect, continuait d'entretenir des rapports avec les agents anglais. Compte tenu des alléchantes promesses qu'ils lui faisaient, il n'attendait qu'un prétexte pour changer de camp.
    Ce prétexte, Isambour fut témoin de son élaboration. Elle se rendait régulièrement à Boulogne, mandatée par Guérin, afin d'y suivre la progression des événements : ce fut là qu'elle assista à une rencontre entre le comte et sa parente la comtesse de Clermont, laquelle se trouvait en conflit avec l'évêque de Beauvais, Philippe de Dreux, à propos de châteaux situés en bordure de leurs deux domaines. Elle était venue demander à Renaud d'intercéder en sa faveur auprès du roi, dont elle le croyait encore très proche.
    — Je vais faire mieux que cela, ma cousine ! affirma-t-il, radieux. Je n'ai jamais pu souffrir Beauvais, et il m'en veut à mort depuis que j'ai répudié sa nièce – alors que c'était sur les instances de Philippe. Ce sera un plaisir que de prendre les armes pour le contraindre à vous restituer vos châteaux.
    — Prendre les armes, messire ? s'étonna la comtesse. Croyez-vous donc que le roi verra cela d'un bon œil ?
    — Il n'aura pas le choix : il n'en a plus qu'un ! s'esclaffa Renaud, avant de continuer, sérieux : Je me moque de ce qu'il pense. Il s'est toujours cru supérieur à moi, il m'a toujours écrasé de son amitié et de ses cadeaux : je lui montrerai que personne ne m'impose sa volonté, pas même un roi.
    Il y avait dans ses paroles, au-delà de la suffisance, une amertume qui frappa Isambour. Elle crut comprendre pourquoi il n'avait jamais pu s'empêcher de s'opposer à Philippe : cet homme exsudait l'envie, la jalousie, par tous les pores. Lui non plus n'eût rien été sans le souverain, ou peu de chose, mais au contraire des conseillers d'humble origine, il estimait mériter mieux que son lot.
    Ce n'était là qu'une partie de la vérité : Philippe, s'il se souvenait d'une certaine conversation, un soir d'ivresse, eût sans doute ajouté que Renaud était comme un enfant qui pousse ses parents à bout pour savoir jusqu'où il peut aller. Et qui, au fond, souhaite être puni.
    Lorsque la reine lui rapporta ce qu'elle avait surpris, le frère Guérin eut une grimace.
    — Cette fois, il est temps d'en finir, déclara-t-il. Nous allons laisser Dammartin attaquer monseigneur de Beauvais afin d'avoir une bonne raison d'agir. Ensuite, il se soumettra ou il en paiera le prix.
    Ainsi qu'il le prévoyait, le roi et son conseil estimèrent le bon droit du côté de l'évêque. Quoiqu'il lui en coûtât de l'admettre, Philippe sentait lui aussi qu'il ne fallait plus hésiter à humilier le comte de Boulogne, sous peine de s'en repentir.
    — Et vous dites qu'il n'a pas encore rassemblé son armée ? s'étonna-t-il. Vous êtes sûr de votre informateur ?
    — Comme de moi-même, affirma Guérin en souriant.
    — Pour être au courant aussi vite des projets du comte, c'est au moins l'amant de la comtesse, plaisanta le roi.
    L'humour le dispensait de broyer du noir : il allait perdre Renaud et, cette fois, ce serait définitif. Ils n'avaient plus en commun que quelques souvenirs.
    — C'est une femme, et ce n'est pas la maîtresse de Renaud, répondit l'Hospitalier. Un jour, si vous le désirez, je vous la présenterai : vous n'avez pas de plus fidèle servante.
    — Si l'occasion se présente, je serai enchanté de la connaître et de la récompenser moi-même comme elle le mérite. Vous avez décidément le don de recruter des espions efficaces.
    — Ma foi, sire, vous savez que j'ai toujours eu un faible pour ce genre de combat, ironisa Guérin. Je suis désormais trop vieux pour m'en charger moi-même, mais la théorie m'est familière.
    Philippe sourit en se rappelant leur première rencontre, à Acre.
    — Il serait

Weitere Kostenlose Bücher