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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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inspirés par la frustration et par la haine en laquelle s'était changée sa rivalité amicale de toujours avec Philippe. De la haine, elle eût pu en ressentir, elle aussi : quoique parvenue à la vaincre, elle en comprenait le processus, aussi sentait-elle que Renaud ne tarderait pas à agir et désirait-elle être présente quand cela se produirait.
    Au printemps de l'an 1212, elle le vit s'entretenir en toute amitié avec l'empereur Otton, lequel lui proposa son appui pour lui faire retrouver auprès du roi anglais la faveur dont il jouissait du temps de Richard. Bien qu'elle se fût juré de ne plus jamais côtoyer le Plantagenêt, elle suivit Renaud à Londres, ce qui lui valut pour la première fois de franchir une mer en demeurant sous le fond sablonneux. Elle vit donc le comte prêter hommage à Jean et les deux hommes signer un accord de défense mutuelle contre Philippe. Quelques heures plus tard, elle arrivait dans les appartements du frère Guérin qu'elle surprit sur le point de se mettre au lit. Les révélations de sa visiteuse lui ayant coupé toute envie de dormir, l'Hospitalier passa un manteau par-dessus sa chemise et courût chez le roi.
    Lequel accueillit la nouvelle avec tristesse mais sans réelle surprise : décidément, il lui faudrait boire cette coupe-là jusqu'à la lie, Renaud ne lui laissait pas d'alternative.
    — Il est donc de nouveau en possession de tous ses fiefs anglais ? interrogea-t-il.
    — Et il reçoit une pension annuelle de mille livres d'esterlins, ajouta Guérin.
    — Mille livres ou trente deniers, la somme ne compte guère, remarqua sombrement Philippe. Croyez-vous… (Il s'interrompit, hésitant.) Parlez-moi sans détour : croyez-vous que j'aie jamais mal agi envers lui ? Nous étions de véritables amis, autrefois. Hormis d'Agnès, je n'ai jamais été aussi proche de personne. L'élever aux plus hautes dignités a été pour moi un plaisir, et j'ai toujours cru montrer envers lui une indulgence que d'autres, moins heureux, auraient été en droit de me reprocher. Qu'ai-je donc fait pour m'attirer son courroux ?
    — D'après ce que m'affirme mon informatrice, il ne s'agit pas de vos actes, sire, mais de ce que vous êtes. (Comme son interlocuteur redressait brutalement la tête, à l'évidence inquiet, Guérin ajouta :) Roi. Enfants, vous étiez égaux ; ensuite, vous avez atteint une position à laquelle lui-même, quoi qu'il fit, n'aurait su se hisser. Il vous en veut pour cela.
    Philippe haussa les épaules, rassuré. Guérin, en le voyant se détendre, eut pour la première fois l'intuition de ce qui les séparait, Isambour et lui – ou les unissait, selon le point de vue –, mais il ne poussa pas le sujet.
    — Que n'est-il allé en Terre Sainte ? Henri de Champagne est bien devenu roi de Jérusalem, Baudouin de Flandre empereur de Constantinople. Renaud aurait pu devenir l'un ou l'autre ou mieux encore. Cela n'aurait dépendu que de sa valeur.
    — Henri et Baudouin sont morts, remarqua l'Hospitalier. Renaud est toujours vivant. Peut-être n'est-il pas aussi valeureux que vous voulez bien le croire. C'est un vaillant chevalier, je vous l'accorde, mais cela ne suffit pas à faire un roi, et vous le savez mieux que quiconque.
    Le Capétien hocha la tête, résigné.
    — Avisez le conseil de se réunir demain à la première heure, ordonna-t-il. Il faut profiter de notre avantage avant que la coalition qui est en train de se former n'ait le temps de frapper. Votre fameuse espionne nous a encore gagné un temps précieux, soit dit en passant : si ma couronne survit à l'épreuve qui l'attend, ce sera en grande partie grâce à elle.
    Guérin n'hésita qu'un instant avant de décider que l'heure était venue de mettre bas les masques.
    — Elle attend mes instructions dans mes appartements, sire. Vous plairait-il de la connaître enfin ?
    — Tout à fait. Et de lui remettre une bourse pleine d'or en témoignage de ma reconnaissance.
    — Vous la vexeriez, je le crains : elle ne travaille pas par intérêt mais par conviction. Si vous tenez à la récompenser, je suppose qu'elle accepterait un bijou, mais quand vous la verrez, vous trouverez sans nul doute des paroles qui lui seront plus précieuses que tous les joyaux du monde.
    — C'est décidément une perle rare que cette femme ! s'exclama Philippe. (Il désigna sa mise négligée ; lui aussi se préparait à se coucher.) Le temps de m'habiller et je vous rejoins. (Comme

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