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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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algarade, Philippe abandonna le gros de son escorte à quelque distance du pavillon et acheva le trajet en la compagnie de Richard, d'Aubri Clément, et de trois chevaliers choisis parmi les plus réfléchis.
    Le vieux Plantagenêt l'attendait devant la tente, les bras croisés. Son expression, alors qu'il ne quittait pas des yeux la haute silhouette de son fils, hésitait entre soupçons et franche colère – ce qui était encourageant. Près de lui, se tenaient Guillaume le Maréchal, deux ou trois autres fidèles et, un peu à l'écart, un Renaud de Dammartin évitant sciemment de regarder celui qui restait son ami malgré les circonstances. Philippe, pour l'heure, ne chercha pas à vaincre cette répugnance : la réconciliation viendrait en son temps.
    Quand les deux rois se furent salués, poliment quoique sans chaleur, Henri se tourna vers le comte de Poitiers qui mit aussitôt un genou en terre devant lui, respectueux.
    — Comment se fait-il que vous soyez ici, Richard ? interrogea-t-il sans préambule.
    — Eh bien… c'est-à-dire vrai le plus grand des hasards. Je me disposais à vous rendre visite afin de passer la Noël en votre compagnie, beau sire, et… chemin faisant, j'ai rencontré la troupe du roi de France. Dès lors que j'étais si près de lui, il m'a paru qu'il serait mal de l'éviter, et… puisqu'il venait pour négocier la paix, j'ai estimé que ma présence…
    — C'est bien s'il en est ainsi, mais je ne le crois pas. Prenez garde qu'il n'y ait autre chose.
    — Je vous assure que c'est pure vérité, sire… Je…
    Richard mentait si mal qu'un enfant eût vu clair dans son jeu. Philippe le laissa s'empêtrer quelques instants, afin d'ôter à Henri ses derniers doutes, puis il intervint :
    — Le comte et moi avons eu un entretien des plus édifiants, et il nous est apparu que nous partagions les mêmes vues sur nombre de sujets. Je ne doute pas que vous les partagerez aussi lorsque je vous les aurai exposées.
    Le vieux Plantagenêt étouffa un sifflement de dédain, puis désigna l'ouverture béante du pavillon.
    — Me ferez-vous l'honneur de pénétrer sous ma tente ? Nous y serons plus à l'aise pour causer. (D'un ton sec, il ajouta à l'adresse de son fils :) En particulier.
    Philippe, qui les voyait ensemble pour la première fois, ne put s'empêcher de remarquer à quel point ils se ressemblaient – même stature, quoique l'un fût proche de la tombe et l'autre en pleine santé, mêmes barbe et cheveux roux, mêmes yeux gris – mais aussi à quel point ils étaient différents, non dans leur ambition mais dans le talent qu'ils employaient à la satisfaire : jamais il n'eût pu jouer d'Henri comme il jouait de Richard. Voilà pourquoi il était urgent de s'appuyer sur le plus faible pour abattre le plus fort. Le reste ne serait que jeu d'enfant.
    — Parlons net ! attaqua l'Angevin dès que Philippe et lui se retrouvèrent face à face, de part et d'autre du brasero d'où montait une odeur âcre de bois humide. Vous avez cru bon de vous opposer à moi : il doit vous apparaître à présent qu'il s'agissait d'une erreur. Cependant, la jeunesse est impétueuse, nul ne le sait mieux que moi, aussi n'ai-je aucun désir de vous accabler. Abandonnez-moi Gisors, ainsi que les forteresses prises par mes troupes durant ces derniers mois pour me dédommager de mes frais, et je vous accorderai bien volontiers la paix que vous sollicitez.
    Son interlocuteur eut un sourire amusé : il s'était attendu à de telles exigences en début de négociations. Henri, au bout du compte, se contenterait probablement de Gisors et d'un ou deux châteaux du domaine royal situés aux limites de ses propres terres. À le voir se déplacer, à l'entendre haleter entre deux phrases, on le devinait bien plus assoiffé de paix que celui qu'il croyait écraser.
    Toutefois, quoique persuadé du contraire, il n'avait pas les moyens de dicter ses conditions.
    Philippe, pour endormir sa méfiance, fit mine d'entrer dans son jeu et discuta pied à pied chaque argument, ne cédant un pouce de terrain que pour en exiger deux. Ce marchandage se poursuivit des heures, rythmé par les intrusions régulières des écuyers qui venaient regarnir en bois le brasero ou porter aux deux rois de brûlants gobelets de vin épicé. Enfin, quand un accord sembla se profiler à l'horizon, alors que la lassitude d'Henri était à son comble, le Français abattit son jeu.
    — Mais de vous à moi, sire, ne

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