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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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que s'il vous prenait un jour la fantaisie de me rejoindre, une place de choix vous serait toujours réservée à mon côté.
    Le Maréchal inclina sèchement la tête.
    — Je vous sais gré de cette invitation qui m'honore, sire, mais je n'ai pas coutume de prendre un nouveau maître lorsque le vent tourne en la défaveur de l'ancien. Je suis l'homme du roi Henri et le resterai tant qu'il lui plaira de me conserver près de lui. Pour l'heure, il me charge de vous dire que votre moquerie lui a échauffé les sangs au point qu'il s'estime dépourvu de la clarté d'esprit nécessaire à de nouveaux pourparlers.
    — Cela signifie-t-il qu'il met fin à cette entrevue ?
    — Non point, sire. Il souhaite simplement se retirer pour aujourd'hui. Sur mon conseil, il laissera sa troupe ici afin de signifier, justement, que l'entrevue n'est qu'ajournée. Demain, sans doute, vous verra tous deux en de meilleures dispositions, ce qui vous permettra d'atteindre l'accord que nous souhaitons tous.
    Philippe eut un geste d'indifférence.
    — Qu'il en soit selon ses vœux, déclara-t-il. Henri sait bien que j'éprouve pour lui une sincère affection et que mon plus cher désir est de lui complaire.
    Guillaume le Maréchal salua puis fit volter son cheval sans relever cette dernière pique. Peu après son retour dans le camp anglais, les deux rois quittaient la prairie en compagnie de leurs conseillers, le Plantagenêt pour réintégrer le château voisin, le Capétien pour rejoindre le gros de son armée stationné à trois lieues de là. L'un et l'autre laissaient derrière eux les hommes d'armes de leur escorte, sous le commandement de quelques chevaliers.
    L'incident se produisit en milieu d'après-midi, aux heures les plus chaudes.
    Frustrés d'avoir été postés là pour des raisons qu'ils comprenaient mal, les Français cuisaient sous les rayons d'un soleil impitoyable faisant bouillonner leur hargne comme un feu de bois l'eau d'un chaudron.
    En face, on suait aussi, mais on prenait garde de n'en rien laisser paraître. On jouait aux dés, on se prélassait, on plaisantait, on se mettait bien en vue pour boire à la régalade.
    Vers la midi, de son propre chef, un chevalier français était allé trouver les Anglais afin de leur demander courtoisement de partager l'ombre de l'orme. Le refus essuyé s'était accompagné de railleries féroces à son égard ainsi qu'à celui de son roi et de tous ses compatriotes, si bien qu'il s'en était allé furieux, brûlant d'en découdre.
    Quelques heures plus tard, ivres de chaleur et de vin, les troupes devenaient turbulentes, au point que quelques rixes avaient déjà éclaté entre les soldats de Philippe, pour un mot mal placé, une partie de dés perdue, pour rien. Encore un peu et l'on n'aurait plus besoin d'ennemi pour s'étriper.
    L'ennemi, heureusement, veillait.
    Ce fut la soudaine hilarité des Anglais qui déclencha tout. Depuis quelque temps, on les voyait s'activer autour de l'orme, apparemment pour graver une inscription dans le large tronc. Ladite inscription, désormais achevée, devait être très réjouissante, car tous se tenaient les côtes – ce qui n'eût été qu'irritant s'ils n'avaient pas en même temps montré du doigt le camp adverse.
    — Ah ça ! s'exclama un Français, et si nous allions voir ce qu'il y a de si drôle ?
    Ses camarades l'approuvèrent. Passait encore qu'ils fussent condamnés à séjourner au sein d'une fournaise digne des Enfers, mais le roi lui-même, Dieu lui-même, n'eussent pu les contraindre à supporter en plus d'être tournés en ridicule. Leurs chefs, censés brider leur agressivité, ne mirent guère d'ardeur à la tâche. Eux aussi souffraient de la chaleur, eux aussi avaient bu, et leur noblesse, la conscience de leur rang, leur permettaient encore moins d'accepter les railleries sans répondre. Ce fut donc en un groupe compact, et la mine menaçante, qu'on s'approcha du camp anglais, où l'on fut reçu par de nouveaux rires, auxquels succédèrent vite des injures, des défis.
    Un archer gallois, plus belliqueux ou plus saoul que ses compagnons, mit le comble à la provocation en décochant une flèche. Mal ajusté, le trait ricocha sur un casque sans égratigner quiconque mais déclencha néanmoins l'explosion qui couvait : l'arme au clair, les Français se jetèrent sur leurs antagonistes – lesquels, estimant qu'ils ne résisteraient pas à pareille furie, refluèrent en désordre vers le château ;

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