Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
Vom Netzwerk:
par ses barons, abandonné de tous, dut gagner Sainte-Suzanne et enfin Chinon. Ce fut là qu'il apprit la chute de Tours et que s'envolèrent ses derniers espoirs. Quand les émissaires du roi de France vinrent lui signifier que ce dernier l'attendrait à Colombiers pour une ultime entrevue, il en fut presque soulagé. Peut-être allait-il pouvoir se reposer, quel que fût le prix à payer.
    « Toute l'armée, voyant comme les eaux venaient de décroître
miraculeusement, en un moment, arracha les pieux, enleva les
tentes, et tous, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, suivirent
les traces du roi Quand ils furent ainsi transportés sur l'autre bord
avec les armes et les bagages, les eaux du Fleuve revinrent à leur
première hauteur. »
    Rigord, Gesta Philippi Augusti

IV

1
    L'après-midi était largement entamée quand Henri II arriva enfin à Colombiers. Dès qu'il le vit apparaître, flanqué d'une suite peu nombreuse aux premiers rangs de laquelle figuraient Guillaume le Maréchal et Renaud, Philippe comprit qu'il n'avait plus affaire à l'homme qu'il avait connu. Même depuis leur dernière rencontre, à Bonsmoulins, le Plantagenêt avait changé terriblement : amaigri, les traits tirés, les cheveux et la barbe plus gris que roux, il ne semblait se maintenir en selle que par un colossal effort de volonté, et chaque pas de son cheval lui arrachait une grimace. Sa fuite éperdue, après l'incendie du Mans, l'avait vidé de ses dernières forces. Le soleil achevait le travail.
    Le roi de France, le comte de Poitiers et l'évêque de Beauvais s'avancèrent à la rencontre des arrivants. Les dents serrées, Henri arrêta sa monture et en descendit. Lorsque son pied toucha le sol, il ne put retenir un petit cri de douleur, sa jambe se déroba sous lui, et il fût tombé si Guillaume, qui s'était précipité, ne l'avait retenu avec fermeté.
    — Qu'on apporte une couverture afin que le roi puisse s'asseoir ! ordonna Philippe, pris de pitié. (Se retournant vers son visiteur, il ajouta :) Nous savons bien que vous ne pouvez vous tenir debout, sire…
    — Gardez votre couverture et votre commisération ! s'entendit-il répondre. Si vous désiriez me ménager, il fallait m'accorder le délai que je vous demandais. À présent, je suis là : venons-en au fait. Que voulez-vous ?
    Le vieux souverain repoussa sans ménagement le Maréchal, qui le soutenait toujours, se campa fièrement, malgré ses jambes tremblantes, et croisa les bras. Son interlocuteur sentait peser sur lui les regards accusateurs, haineux, des Anglais. Seul, celui de Renaud ne le condamnait pas, semblait même chercher le sien, comme pour lui signifier que rien n'avait changé. Le chevalier se réjouissait-il que la fin de la guerre pût les autoriser à redevenir amis ou bien sentait-il tout simplement tourner le vent ? Philippe voulut croire que la première hypothèse était la bonne.
    — Eh bien ? lança Henri, hargneux. J'attends vos conditions !
    Le jeune roi chassa ses scrupules. Rôles inversés, son aîné n'eût pas agi autrement, et mieux valait en terminer.
    — Elles sont simples, sire, déclara-t-il. J'exige que vous vous soumettiez en toutes choses à mon conseil et à ma volonté.
    — Soit !
    Cette réponse lapidaire stupéfia Français comme Anglais, qui s'attendaient au moins à un âpre marchandage. Le Plantagenêt, décidément, avait perdu sa combativité.
    — J'exige, reprit Philippe, que vous cessiez les hostilités contre moi, que vous reconnaissiez ma suzeraineté sur toutes vos possessions continentales et que vous renonciez à vos prétentions sur le comté d'Auvergne.
    — Accordé.
    — En dédommagement des frais que m'a occasionnés votre révolte, vous verserez au trésor royal une amende de vingt mille marcs d'argent.
    La somme était colossale. Pourtant, l'intéressé ne sourcilla pas.
    — Accordé.
    — Vous reconnaîtrez votre fils, le comte de Poitiers, ici présent, comme votre unique héritier et le ferez couronner dans les plus brefs délais. Vous l'investirez en outre de l'Anjou, du Maine et de la Touraine.
    Henri poussa un long soupir, dont on ne sut trop s'il fallait accuser la douleur ou ces dernières paroles. Quoi qu'il en fût, sans un regard à Richard, qu'il feignait depuis le début d'ignorer, il se reprit vivement et prononça une nouvelle fois ce simple mot :
    — Accordé.
    — Enfin, vous ferez célébrer son union avec ma sœur, damoiselle Adélaïde, au plus

Weitere Kostenlose Bücher