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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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qui avaient fidèlement servi son père : un tel dévouement, en plus d'être admirable, lui serait fort utile une fois détourné à son profit. Dans le même esprit, il ne montra en revanche aucune reconnaissance à ceux qui avaient trahi pour servir sa cause : ils attendaient de grands privilèges, ils ne reçurent rien.
    Richard fit une seule exception à cette règle : son frère Jean, qu'il accueillit avec les honneurs et auquel il témoigna toutes les marques d'affection possibles, allant jusqu'à le doter de vastes terres outre-Manche, alors que rien ne l'y obligeait. Semblable en cela à Henri, il aimait ce cadet qu'il avait vu grandir et dont les mauvaises actions lui semblaient motivées par l'amertume, la certitude de ne jamais devenir roi. Il lui serait impossible de le punir, même quand Jean le trahirait ouvertement.
     
    Philippe, en présence de Richard, reçut l'annonce du décès avec dignité, complimenta son hôte dans les limites de la décence et du respect dû au défunt. À peine le nouveau roi eut-il enfourché son cheval pour gagner Chinon, toutefois, que le Français laissa éclater sa colère. Enfermé dans sa chambre, refusant les visites, les repas, il vitupéra pendant des heures, brisa tout ce qui passait à sa portée, bourra les murs de coups de poings rageurs jusqu'à s'en écorcher les mains.
    — Et c'est pour en arriver là que je me suis démené pendant toutes ces années ! hurla-t-il à Isabelle, l'unique personne qu'il admit en sa présence. J'ai intrigué, j'ai dépensé sans compter, je me suis battu pour briser l'empire d'Henri, j'ai réussi, et le voilà reformé ! Par la lance de saint Jacques ! Je hais ces Plantagenêts qui meurent toujours au plus mauvais moment !
    De toute la journée, il ne décoléra pas, enrageant d'avoir lui-même apporté à Richard ses fiefs continentaux sur un plateau, sans prévoir que le Cœur de Lion aurait aussi l'Angleterre. Et Philippe pouvait-il les lui disputer sans violer le bon droit ? Après tout, ils étaient alliés.
    Le lendemain, calmé, il rentra à Paris réfléchir, prendre conseil et préparer l'avenir. L'immense domaine tout juste reconstitué demeurait fragile. Il convenait de ne pas laisser à son maître le temps de le consolider.
    « Au lendemain de sa mort, comme on s'apprêtait à l'enterrer,
il [Henri II] reposait vêtu d'une robe à la splendeur royale, coiffé
d'une couronne d'or, ganté de fer, un anneau d'or à son doigt, le
sceptre à la main, des souliers tressés d'or et les éperons aux pieds,
l'épée au côté, le visage découvert. Lorsque ce fait fut rapporté au
comte Richard, son fils, ce dernier vint en toute hâte se joindre au
cortège. À son arrivée, du sang commença à couler des narines du
roi défunt, comme si son esprit avait manifesté son indignation. »
    Gesta Henrici II et Ricardi I regum

2
    Philippe et Richard se rencontrèrent pour la première fois, de roi à roi, à la fin juillet, deux jours après que le second eut été investi duc de Normandie, avant même qu'il ne fût couronné en Angleterre. Ceux qui se trouvaient là constatèrent à cette occasion que leur belle amitié, si démonstrative trois semaines plus tôt, se teintait d'une certaine froideur. C'est qu'il n'était plus question de guerroyer de concert, en gais compagnons, mais de négocier. Sur bien des points, les alliés d'hier se retrouvaient concurrents, sinon ennemis, et tout ce que leur entente avait eu de factice éclatait au grand jour.
    Philippe, bien entendu, ne pouvait exiger de se voir remettre les terres conquises sur Henri II : il lui fallut se contenter de l'hommage dû au suzerain, de quelques forteresses éparses et d'une somme d'argent qui viendrait s'ajouter aux vingt mille marcs déjà promis par le défunt – piètre récompense, selon lui, des efforts qu'il avait fournis. Quant à la question de Gisors, qui redevenait d'actualité, Richard parvint à la différer jusqu'au retour de Terre Sainte, de même que son union avec Adélaïde.
    Partir outre-mer devenait urgent, non seulement pour respecter le vœu solennel formulé des mois auparavant, mais aussi parce que les préparatifs mobiliseraient l'énergie et les deniers du roi d'Angleterre, lequel les eût sinon employés à réorganiser son domaine, si bien qu'Anjou fût redevenu synonyme de danger.
    Richard, par bonheur, brûlait de s'embarquer. Cette guerre contre les Sarrasins lui donnerait, il n'en doutait pas, l'occasion

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