Le roi d'août
jeune roi eut l'agréable surprise d'y trouver son épouse et son fils. Isabelle, se languissant en sa longue absence et sachant les combats terminés, était venue en Touraine afin d'être la première à féliciter le vainqueur. Outre le plaisir de le serrer dans ses bras, elle connut celui d'apprendre le prochain retour en grâce de Renaud.
— Je compte le marier à ma cousine Marie de Châtillon, lui confia Philippe. Ainsi, il aura une bonne raison de rester auprès de nous. Puisqu'il ne s'est pas croisé, cela te fera au moins un ami à la cour quand je serai parti pour la Terre Sainte.
Isabelle, à cette évocation, se rembrunit mais s'abstint de tout commentaire : en chrétienne fervente, elle reconnaissait la nécessité de l'expédition ; il ne lui déplaisait pas moins de savoir que son mari allait l'abandonner pour des mois, voire des années, et risquait de ne jamais lui revenir. Il refusait obstinément de l'emmener, disant que la place d'une femme n'était pas sur un champ de bataille. Plus sûrement, il songeait aux scandales, fondés ou non, qu'avait provoqués la reine Aliénor en accompagnant Louis VII outre-mer. Pareille précaution la blessait, car elle se savait incapable d'infidélité, mais chaque fois qu'elle l'avait entrepris sur ce sujet, son époux s'était mis en colère, aussi avait-elle fini par se résigner.
Philippe et Isabelle se retirèrent tôt, ce soir-là, pressés de se retrouver en tête à tête. À peine isolés dans la chambre du château comtal qu'ils s'étaient attribuée, ils se déshabillèrent avec une impatience non feinte et firent l'amour tels de jeunes mariés. Plus ils avançaient en âge, plus ils se connaissaient, et plus leurs étreintes devenaient satisfaisantes, moralement aussi bien que physiquement.
Les sens apaisés, ils demeurèrent enlacés, le bras du roi autour des épaules de la reine, leurs lèvres s'unissant et se séparant encore tour à tour.
— C'est terminé, souffla Philippe. J'ai gagné. Il m'a fallu du temps, mais enfin, j'ai gagné.
— Tu ne crains pas qu'Henri se rebelle à nouveau ?
— Non. Il est exsangue. Tout à l'heure, il a accepté sans même discuter toutes mes exigences. Il ne m'a demandé que la liste des seigneurs qui l'ont trahi.
— Et tu vas la lui remettre ?
— Je le lui ai promis, j'y suis donc contraint, soupira-t-il. Malgré nos différends, j'aurais voulu épargner pareil tourment à un vieillard que je ne hais point : il est sur cette liste un nom qu'il ne s'attend pas à trouver et qui va lui porter un coup terrible.
— Un de ses proches que tu as suborné ? crut deviner Isabelle.
— Un de ses proches, oui, mais je n'y suis pour rien. Celui-là, c'est Richard qui l'a gagné à notre cause.
— Alors, que t'importe ? (Elle se serra contre lui, lui donna un long baiser amoureux.) Aujourd'hui, la France est vraiment un royaume, et toi, tu es vraiment roi. C'est tout ce qui compte.
Tandis qu'elle lui parcourait de ses lèvres la gorge, le torse, ses doigts descendirent sur le ventre de Philippe qui retrouva aussitôt sa vigueur.
— Aime-moi, murmura-t-elle. Aime-moi, mon roi…
Ils s'aimèrent donc, avant de s'endormir comme des masses. S'aimèrent encore une fois au petit matin, en s'éveillant, tant et si bien que, cette nuit-là, la reine se trouva à nouveau fécondée.
Quand son époux l'apprendrait, quelques semaines plus tard, lui qui craignait toujours pour le petit Louis, à la santé précaire, il croirait la continuation de sa lignée assurée : si son premier fils mourait trop tôt pour ceindre la couronne, le deuxième le suppléerait.
Dès le lendemain de l'entrevue, un émissaire d'Henri II se présenta à Tours pour s'y faire remettre la fameuse liste qu'il s'empressa de porter à son maître.
Ce dernier souffrait le martyre au point de n'avoir pu quitter le lit. Son souffle rauque, oppressé, emplissait la chambre d'un sifflement constant, saccadé. Une odeur d'excréments et de pourriture prenait à la gorge dès qu'on l'approchait, au point que seul, Guillaume le Maréchal avait le courage de rester en permanence auprès de la couche. Ce fut donc à lui qu'on remit la missive. L'ayant décachetée, il la déroula et la présenta à Henri, qui tenta de la déchiffrer avant de la lui rendre d'un geste las.
— Lisez, Maréchal, lisez ! Cette chambre est tellement obscure que je n'y vois goutte.
L'obscurité n'y était pour rien : une chandelle brûlait au
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