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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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vous, dit Tolomei,
qui allez découvrir la honte ? Vous irez trouver le roi…
    — Mais non, messer, pas moi.
Moi, on ne m’entendrait pas. Quelqu’un d’autre de bien mieux désigné… Mais qui
n’est pas en France… Et c’est précisément la seconde chose que je venais vous
demander. Il me faudrait un homme sûr et peu voyant pour aller en Angleterre
porter un message.
    — À qui, Monseigneur ?
    — À la reine Isabelle.
    — Ah ! bah !… murmura
le banquier.
    Puis il y eut un silence, pendant
lequel on n’entendit que les bruits de la rue.
    — Il est vrai que Madame
Isabelle ne passe pas pour chérir beaucoup ses belles-sœurs de France, dit
enfin Tolomei qui n’avait pas besoin d’en entendre davantage pour comprendre
comment d’Artois avait monté son complot. Vous êtes fort son ami, je crois, et
vous fûtes là-bas il y a peu de jours ?
    — J’en suis revenu la semaine
passée, et j’ai été assez vite en besogne.
    — Mais pourquoi n’envoyez-vous
pas à Madame Isabelle un homme à vous, ou bien un chevaucheur de Monseigneur de
Valois ?
    — Mes hommes sont connus et
ceux de Monseigneur de Valois aussi, dans ce pays où tout le monde surveille
tout le monde ; on aurait tôt fait de me gâcher mon affaire. J’ai pensé
qu’un marchand, mais un marchand en qui l’on puisse se fier, conviendrait
mieux. Vous ne manquez pas de gens qui voyagent pour vous… D’ailleurs, le
message n’aura rien qui puisse faire inquiéter le porteur…
    Tolomei regarda le géant dans les
yeux, médita un moment, puis, enfin, il secoua sa clochette de bronze.
    — Je vais essayer de vous
rendre encore une fois service, dit-il. La tenture s’écarta et le même jeune
homme qui avait accompagné l’archevêque reparut. Le banquier le présenta.
    — Guccio Baglioni, mon neveu,
nouvellement arrivé de Sienne. Je ne crois point que les prévôts et sergents de
notre ami Marigny le connaissent encore… Bien qu’hier matin, ajouta Tolomei à
mi-voix en regardant le jeune homme avec une feinte sévérité, il se soit
distingué par une belle prouesse au vu du roi de France… Comment le
trouvez-vous ?
    Robert d’Artois considéra Guccio.
    — Joli garçon, dit-il en
riant ; bien tourné, mollet sec, taille mince, yeux de troubadour. Est-ce
lui que vous dépêcheriez, messire Tolomei ?
    — C’est un autre moi-même, dit
le banquier… en moins gros et en plus jeune. J’ai été comme lui, figurez-vous,
mais je suis seul à m’en souvenir.
    — Si le roi Edouard le voit,
bougre comme on le connaît, vous risquez fort que ce jouvenceau ne vous
revienne jamais.
    Et, là-dessus, le géant partit d’un
grand rire auquel se joignirent l’oncle et le neveu.
    — Guccio, dit Tolomei, tu vas
connaître l’Angleterre. Tu partiras demain à l’aube crevant ; tu te
rendras à Londres chez notre cousin Albizzi…
    — Albizzi, je connais ce nom,
interrompit d’Artois. Ah ! Mais oui, c’est le fournisseur de la reine
Isabelle…
    — Vous voyez, Monseigneur… Donc
tu te rendras chez Albizzi, et là, avec son aide, tu iras à Westmoutiers délivrer
à la reine, et à elle seule, le message que Monseigneur va écrire. Je te dirai
tout à l’heure plus longuement ce que tu devras faire.
    — Je préférerais dicter, dit
d’Artois ; je me sers mieux d’un épieu que de vos satanées plumes d’oie.
    Tolomei pensa : « Et
méfiant en plus, le gaillard ; il ne veut pas laisser de traces. »
    — À votre guise, Monseigneur.
Je vous écoute. Et il prit lui-même sous la dictée la lettre suivante :
    « Madame,
    Les choses que nous avions devinées
sont véridiques et plus honteuses encore qu’il se pouvait croire. Je sais les
personnes et les ai si bien découvertes qu’elles ne sauraient échapper si nous
faisons hâte. Mais vous seule avez puissance assez pour accomplir ce que nous
escomptons, et mettre terme par votre venue à tant de vilenie qui noircit moult
l’honneur de vos parents. Je n’ai d’autre désir que d’être en tout votre
serviteur de corps et d’âme. »
    — La signature,
Monseigneur ? demanda Tolomei.
    — La voici, répondit d’Artois
en sortant de sa bourse une énorme bague d’argent qu’il tendit au jeune homme.
Il en portait une semblable au pouce, mais en or.
    — Tu remettras ceci à Madame
Isabelle ; elle saura… Mais es-tu sûr, troubadour, de te faire accorder
audience dès ton arrivée ?
    — Bah ! Monseigneur, dit
Tolomei, nous

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