Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
Vom Netzwerk:
en lui montrant du doigt les tesselles rouges
et blancs, tu vois pourquoi je ne puis partir ?
    — Un
serment est un serment, rappela brutalement le messager.
    — Si le
prince s’en va, intervint Gereint, la Dumnonie tombe. » Gereint était un
homme lourd à l’esprit lent, mais fidèle et honnête. En tant que neveu d’Uther,
il pouvait prétendre au trône de la Dumnonie, mais il s’en était toujours bien
gardé et il se montra toujours dévoué envers Arthur, son bâtard de cousin.
    « Mieux
vaut la Dumnonie que Benoïc, trancha Bleiddig en faisant mine d’ignorer la
mauvaise humeur qui accueillit ses paroles.
    — J’ai
fait le serment de défendre Mordred, objecta Arthur.
    — Tu as
fait le serment de défendre Benoïc, répliqua Bleiddig, écartant l’objection
d’un haussement d’épaules. Emmène l’enfant avec toi.
    — Je dois
donner son royaume à Mordred, insista Arthur. S’il s’en va, le royaume perd son
roi et son cœur. Mordred reste ici.
    — Et qui
menace donc de lui prendre le royaume ? » demanda Bleiddig,
visiblement contrarié. Le chef de Benoïc était un grand gaillard, qui rappelait
un peu Owain par sa force de brute. « Toi ! » fit-il en
désignant Arthur d’un geste de mépris. « Si tu avais épousé Ceinwyn, il
n’y aurait point de guerre ! Si tu avais épousé Ceinwyn, la Dumnonie, mais
aussi le Gwent et le Powys enverraient des troupes pour secourir mon
roi ! »
    Des hommes
criaient et tiraient leurs épées, mais Arthur imposa le silence. Un filet de
sang s’échappait de sa blessure et coulait le long de sa joue creuse.
« Combien de temps, demanda-t-il à Bleiddig, avant que Benoïc ne
tombe ? »
    Le chef fronça
les sourcils. Il était clair qu’il ne pouvait répondre, mais il suggéra six
mois, voire un an. Les Francs, expliqua-t-il, avaient massé de nouvelles armées
à l’est de son pays, et Ban ne pouvait les combattre toutes. Conduite par Bors,
son champion, l’armée de Ban tenait la frontière nord, tandis que les hommes
qu’Arthur avait laissés derrière lui sous la houlette de son cousin Culhwch
tenaient la frontière sud.
    Arthur
examinait sa carte de tesselles rouges et blancs. « Trois mois, dit-il, et
je viens. Si je peux ! Trois mois. Mais en attendant, Bleiddig, je vais
t’envoyer une bande de braves. »
    Bleiddig
persista, protestant que son serment commandait à Arthur de rentrer
sur-le-champ en Armorique, mais Arthur ne se laissa pas fléchir. Trois mois ou
rien ! Bleiddig dut accepter le compromis.
    Arthur me fit
signe de le suivre dans la cour à colonnes qui se trouvait à côté de la salle.
Il y avait là des cuves qui empestaient comme des latrines, mais il semblait
indifférent à la puanteur. « Dieu sait, Derfel », commença-t-il, et
je sus qu’il devait être tendu pour employer le mot « Dieu », de même
qu’il employait le singulier des chrétiens ; mais, comme pour faire bonne
mesure, il se reprit aussitôt : « Les Dieux savent que je n’ai pas
envie de te perdre, mais il me faut envoyer quelqu’un qui n’ait pas peur
d’enfoncer un mur de boucliers. C’est toi que je dois envoyer.
    — Seigneur
Prince...
    — Ne
m’appelle pas prince, trancha-t-il courroucé. Je ne le suis pas. Et ne discute
pas. Tout le monde discute. Tout le monde sait comment gagner cette guerre,
sauf moi. Melwas réclame des hommes à cor et à cri, Tewdric me veut dans le
nord, Cei dit qu’il a besoin de cent lanciers de plus, et voilà maintenant que
Ban me demande ! S’il dépensait plus d’argent pour son armée et moins pour
ses poètes, il ne serait pas dans cette mauvaise passe !
    — Des
poètes ?
    — Ynys
Trebes est le paradis des poètes », expliqua-t-il avec amertume en
évoquant la capitale de l’île. « Des poètes ! Nous avons besoin de
lanciers, pas de poètes. » Il s’arrêta pour s’adosser à un pilier. Jamais
je ne l’avais vu aussi fatigué. « Je ne puis réaliser quoi que ce soit
tant que nous n’aurons cessé de nous battre. Si seulement je pouvais parler à Cuneglas,
en face-à-face, il y aurait un espoir.
    — Pas
tant que Gorfyddyd vivra, dis-je.
    — Pas
tant que Gorfyddyd vivra », admit-il avant de se taire. Il pensait à
Ceinwyn et à Guenièvre, je le savais. Par une brèche de la toiture, le clair de
lune inondait son visage osseux d’une lumière argentée. Il ferma les yeux et je
compris qu’il s’en voulait de la guerre, mais ce qui était fait

Weitere Kostenlose Bücher