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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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cisaillaient la chair de leurs bouches crochues. Des
flammes me caressaient la peau, brûlant les poils de mes bras et de mes jambes.
L’ordre me fut donné d’avancer à nouveau, puis de m’arrêter, et je devinai
qu’on mettait des bûches dans le feu et sentis le bois s’embraser juste devant
moi. Le feu rugissait, les flammes rôtissaient ma peau nue et mon sexe, puis la
voix me commanda d’avancer dans le feu, et j’obéis... mettant le pied dans une
mare d’eau glacée qui me fit presque hurler de peur. Je me croyais dans une
cuve de métal fondu.
    Je sentis la
pointe d’une épée pressée sur ma virilité. Je reçus l’ordre d’avancer et, comme
j’avançai, la pointe s’éloigna. Des artifices, bien entendu, mais les herbes et
les champignons ajoutés au breuvage suffisaient à leur donner des allures de
miracles, et lorsque j’eus parcouru le chemin sinueux qui menait à la chambre
chaude, enfumée et résonnante au cœur de la cérémonie, j’étais déjà dans les
transes de la terreur et de l’exaltation. On me conduisit à une pierre de la
hauteur d’une table et l’on me mit un couteau dans la main droite tandis que
l’on plaçait ma main gauche, la paume tournée vers le bas, sur un ventre nu.
« C’est un enfant que tu as sous la main, misérable crapaud », dit la
voix, et une main déplaça ma main droite en sorte que la lame se retrouva
suspendue au-dessus de la gorge de l’enfant, « un enfant innocent qui n’a
fait de mal à personne, un enfant qui ne mérite que de vivre, et tu vas le
tuer. Frappe ! » L’enfant hurla lorsque je plongeai le couteau et
sentis le sang chaud gicler sur mon poignet et ma main. Sous ma main gauche, le
ventre palpitant eut un dernier spasme et s’immobilisa. A proximité ronflait un
feu dont la fumée m’obstruait les narines.
    Je dus
m’agenouiller et ingurgiter un breuvage écœurant qui m’engorgea le gosier et me
donna des aigreurs d’estomac. C’est alors seulement, lorsque j’eus vidé la
corne de sang de taureau, qu’on me retira mon bandeau et que je vis que j’avais
tué un agnelet au ventre rasé. Amis et ennemis s’agglutinèrent autour de moi
pour me féliciter d’être maintenant entré au service du Dieu des Soldats. Je
faisais désormais partie d’une société secrète qui essaimait à travers le monde
romain et même par-delà ses frontières ; une société d’hommes qui avaient
fait leurs preuves dans la bataille, non pas en simples soldats, mais en
authentiques guerriers. Devenir un adepte de Mithra était un véritable honneur,
car tout membre du culte pouvait s’opposer à l’initiation d’un autre. D’aucuns
qui conduisaient des armées n’étaient jamais élus, d’autres qui demeuraient
dans le rang étaient ainsi distingués.
    Maintenant que
je comptais au nombre des élus, on me ramena mes vêtements et mes armes. Je me
rhabillai et l’on me fit part des mots secrets du culte qui me permettraient
d’identifier mes camarades dans la bataille. Si je m’apercevais que je
combattais un adepte de Mithra, je devais le tuer promptement, sans
miséricorde, et si un tel homme était mon prisonnier je devais lui rendre les
honneurs. Puis, les formalités terminées, nous entrâmes dans une seconde
caverne immense éclairée par des torches fumantes et par un grand feu où
rôtissait la carcasse d’un taureau. Le rang des hommes qui étaient du banquet
était pour moi un grand honneur. La plupart des initiés doivent se contenter de
leurs camarades, mais pour Derfel Cadarn les puissants des deux camps étaient
venus dans l’antre hivernal. Agricola de Gwent était là et, avec lui, deux de
ses ennemis de Silurie, Ligessac et un lancier, un dénommé Nasiens, le champion
de Gundleus. Etaient également présents une douzaine de guerriers d’Arthur,
avec quelques-uns de mes hommes et même Mgr Bedwin, le conseiller d’Arthur, qui
avait un drôle d’air avec son plastron rouillé, son ceinturon et sa cape de
guerrier. « J’ai été guerrier autrefois, dit-il pour expliquer sa
présence, et j’ai été initié. Voyons, c’était quand ? Il y a trente ans de
cela ? Bien avant que je ne devienne chrétien, cela va de soi.
    — Et ceci
 – d’un geste de la main, je désignai la tête tranchée du taureau que l’on
avait hissée sur un trépied de lances et dont le sang se vidait sur le sol
 –, et ceci n’est pas contraire à ta religion ? »
    Bedwin haussa
les épaules. « Bien sûr

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